Après le très brillant Little Miss Sunshine, Jonathan Dayton et Valerie Faris remettent le couvert avec Paul Dano. Ruby Sparks (“Elle s’appelle Ruby”) mélange le surnaturel avec la comédie romantique. Un jeune romancier à succès (Calvin), écrit sur la fille de ses rêves (Ruby), qui va apparaître littéralement dans sa vie, telle qu’il l’a imaginée. Une idée étonnante mais qui rejoins quand-même un fantasme éculé. Pourtant, si le film annonce un sujet trivial, une intrigue convenue et un traitement sans surprise, il n’en est rien. C’est même avec un certain brio qu’il déjoue les pièges qu’il s’est lui-même tendus.

L’intrigue paraît déjà vue, mais elle pratique le salto arrière scénaristique. Elle contourne les conventions et se contorsionne pour éviter un dénouement consensuel. L’histoire ne cherche pas non plus stupidement à tout expliquer, comme le phénomène paranormal ou les liens familiaux de Calvin.

Le traitement, lui aussi, réussit à intriguer. On ne tire pas sur toutes les ficelles comiques de la situation, comme pour essouffler un concept jusqu’à ce que le spectateur s’emmerde. La réalisation propose quelques gags, sans insister. Alors oui, on voit venir d’ici la scène incontournable : Ruby devient un pantin articulé, animée par les moindres désirs couchés sur papier par Calvin. Cette séquence existe. Mais au lieu de s’affubler d’un pouvoir comique (du genre tarte à la crème), elle présente une violente hémorragie dramatique arrosant le spectateur. J’aime beaucoup.

Si le sujet paraît déjà vu, en réalité le film fait face jusqu’au bout à de vrais enjeux proprement posés. D’une part, on explore la fameuse problématique du lien entre une œuvre et son auteur. Est-ce qu’elle lui est directement affiliée, pétrie par ses moindres désirs ? Ou l’œuvre vit-elle par elle-même, indépendante, et l’auteur ne serait qu’un vecteur ? L’habileté du film est de relier cette problématique à celle du couple, en abordant la jalousie, la dépendance et la possessivité. Est-ce que la fille de ses rêves plaît à Calvin parce qu’elle est le fruit de ses désirs et son imagination ? Ou la désire-t-il, telle qu’elle est, comme une personne indépendante, s’imposant à lui par elle-même ?

Certains génies se disent transcendés par leurs oeuvres, comme si elles s’imposent à eux et qu’ils ne sont que des transmetteurs. A travers ce long-métrage, Dayton et Faris remontent jusqu’au berceau de l’imagination, en questionnant sa nature et ses origines. On se demande si l’on invente les idées ou si les idées naissent et s’imposent à nous d’elles-mêmes. Et moi, franchement, ben j’trouve ça beau.

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le 18 oct. 2012

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