Il y a tout dans le premier plan serré sur le visage de Songlian (superbe Gong Li): les larmes et la détermination. Mais surtout: la fragilité et la force. Tout ce qui va ensuite faire d'elle la concubine choyée, perdue puis malheureuse qui va peu à peu sombrer dans la folie. Les plans de ce film sont magnifiques. Il se portent sur l'essence même du lieu: ce palais élégant et fantomatique bercé à la fois par des rituels fascinants (les lanternes, les concubines), des cris (ceux des femmes, le chant de la 3e épouse) et des lieux mystérieux (dont la cabane des "suicidées"). Au milieu, 4 saisons se déroulent : de l'été à l'été suivant. Chaque saison est habitée par une nouvelle étape de Songlian, qui passera par des caps qui la font grandir en un temps record, sans qu'elle maîtrise pleinement son chemin.


Tantôt flamboyant de rouge et de sourires, le palais peut se transformer en lieu sombre symbolisé par le recouvrement des lanternes en noir et la neige, froide et abondante. Il y a alors les trahisons, les apparences qui s'écroulent. Et le désespoir, ce cycle long de l'enfermement physique et psychique. La dégradation de l'esprit formé à comploter pour tenter de s'imposer, trop faible pour faire mal, incontrolâble. Et ce son, improbable, entêtant, ennnivrant, des pieds que l'on masse. Un son sur-utilisé avec brio, annonciateur du chaos, de l'envie et cristalisateur de la défaillance de Songlian, celle qui a fait des études, celle qui se meurt en ces lieux hantés où l'homme n'a pas de visage, où rien n'apparait véritablement comme une échapatoire, même ce toit labynthe où les langues se délient, où se font les rencontres et où rôde la mort ... Songlian tourne en rond, perdue, réduite à une fontion peu reluisante, réduite à l'attente, encore, toujours. Un film maitrisé de bout en bout tant par son rythme, sa temporalité, ses thèmes, ses acteurs que ses images et ses sons qui parlent d'eux-même et nous transportent véritablement au coeur de la vie de Songlian, du désir à la folie ...

Créée

le 28 oct. 2013

Critique lue 1.5K fois

22 j'aime

5 commentaires

eloch

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

22
5

D'autres avis sur Épouses et Concubines

Épouses et Concubines
eloch
10

La loi du désir

Il y a tout dans le premier plan serré sur le visage de Songlian (superbe Gong Li): les larmes et la détermination. Mais surtout: la fragilité et la force. Tout ce qui va ensuite faire d'elle la...

le 28 oct. 2013

22 j'aime

5

Épouses et Concubines
-Ether
9

En rouge et noir

Epouses et concubines est un film à la symbolique forte, bi-chromé et s'appréhende comme une pièce de théâtre au dénouement que l'on présuppose hautement dramatique par avance. Le film raconte...

le 10 avr. 2015

15 j'aime

1

Épouses et Concubines
Missdynamite
9

Couloirs et Couleurs

Epouses et Concubines (1991) est le film qui donna une envergure internationale au réalisateur Zhang Yimou - celui-là même qui a orchestré les cérémonies d'ouverture et de clôture des J.O. de Pékin...

le 18 juin 2010

15 j'aime

6

Du même critique

Juste la fin du monde
eloch
4

Le cinéma de Dolan est mort, vive le cinéma !

Qu'il est difficile de s'avouer déçue par un cinéaste qu'on admire beaucoup et dont l'oeuvre a su nous éblouir, nous toucher, nous transporter. Oui, je l'écris, ce dernier Dolan m'a profondément...

le 21 sept. 2016

116 j'aime

12

The Voices
eloch
7

"Sing a happy song"

Marjane Satrapi a été sélectionnée au festival d’Alpe d’Huez début 2015 (qui s’est déroulé du 14 au 18 janvier) pour son dernier film. Disons qu’au premier abord ça ne ressemble pas vraiment à la...

le 20 janv. 2015

91 j'aime

7

Chungking Express
eloch
10

" Hier, on se regardait à peine ... Aujourd'hui nos regards sont suspendus "

"Chungking express" est un film que j'ai trouvé absolument merveilleux je dois bien vous l'avouer, je suis sortie de la salle où j'ai eu la chance de le voir pleine d'une belle joie, de l'envie de le...

le 27 févr. 2013

90 j'aime

24