Un couple, composé de Bill et Alice Harford, vit dans les beaux quartiers de la ville de New-York. Un soir, Alice avouera à son mari, le fait d'avoir eu l'idée de le tromper avec un jeune militaire, quelques mois auparavant. Suite à cela, Bill voit son couple basculer et voit chez lui naître différentes sensations. Dernier film de Stanley Kubrick dont le scénario est basé sur le roman de 1926, Traumnovelle, d’Arthur Schnitzler. Le sexe est un sujet qui a toujours irrigué le cinéma de Stanley Kubrick. Eyes Wide Shut n'est pas un film d'amour mais un film sur le couple et le désir. Couple, entité fait de désir et de mystère où tout n'est pas forcément bon à dire ou à entendre. Kubrick nous place au plus près de l'intimité du couple. Il s'interroge sur l'infiniment petit et sur les fondations sur lesquelles tiennent un couple: est ce qu'une simple idée, une simple pensée érotique est synonyme de passage à l'acte?

Alice n'est pas beaucoup présente à l'image mais les formes voluptueuses de Nicole Kidman remplissent le film de sensualité. Elle ère dans toutes les pensées de son mari, entre désir et angoisse. Des sentiments universels tels que la jalousie et la luxure insérés par le prisme de l'intime. Tant de sensations qui feront douter Bill sur la nature et la véracité de la notion de couple mais également sur les différentes possibilités qui lui seront offertes. Mais malgré ce questionnement, Kubrick ne fait jamais de son oeuvre, un film ancré dans le réel, faisant penser inévitablement penser à du David Lynch (ou inversement) . Rien n'est concret ni véritable. De part sa réalisation à l'érotisme feutrée et fantasmagorique, le cinéaste met en scène un long cauchemar fait de fantasmes inassouvis, de non-dits insidieux sur la haine de soi même. Cela atteint son paroxysme avec ces scènes où Bill imagine par envie ou par angoisse, sa femme faire l'amour avec un autre homme.

Bill, entre rêve et réalité, longera les ruelles de New-York dans des virées nocturnes où il fera la rencontre de mystérieux individus, qui mettront à contribution sa quête de jouissance extra conjugale et de ses nouveaux désirs. New-York, filmée, comme une ville charnelle, aux multiples tentations. Mais,Bill sera impuissant tant psychologiquement que physiquement en dehors de son couple. Le film confronte une certaine vision de la morale avec le désir sans jamais en baliser les frontières. Libre tant dans la forme que dans le fond, Eyes Wide Shut est avant tout un film qui fait appel à nos sens, comme une sorte de conte de fées pour adultes. Ce qui marque durant tout le film c'est la confrontation entre l'élégance des décors avec la perversité des individus habitant et faisant vivre ces lieux. Comme à son habitude, la mise en scène est d'un perfectionnement inégalable: travellings au cordeau, géométrie du cadrage, sens de l'espace et du décor, jeu de lumières, créant de ce fait, 2h40 de film où l'on est émerveillé de bout en bout par tant de virtuosité.

Ce qui est paradoxal, c'est que la mise en scène de Kubrick n'a jamais été aussi fine et épurée que dans ce film dénué de surenchères. Eyes wide Shut n'est pas une épreuve de force esthétique mais une oeuvre plastique monolithique et terriblement hypnotique. Marquante et fascinante, cette séquence d'orgie dans la manoir est le symbole d'un désir parfait, complètement fantasmé, sorte de miroir de l'inconscient de nous-mêmes. Pour que le couple puisse continuer à exister et à être en harmonie, il faut savoir faire des compromis en sachant garder les yeux grands fermés. Le nerf de la guerre de l'humanité et du couple: est le sexe mais pas forcément pour toujours selon la dernière réplique donnée par Alice. Malgré toutes les interprétations possibles et inimaginables, Eyes Wide Shut est une oeuvre gargantuesque à l'image de son réalisateur. Indéfinissable .
Velvetman
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le 16 févr. 2014

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