Pour idée, l'équipe technique et une partie du casting sont les mêmes que ceux à qui Tarkovski fera appel pour "Le sacrifice" trois ans plus tard. A la différence que F&A est un film d'intérieur et que les couleurs sont beaucoup plus chaudes. La photo est vraiment superbe, d'autant qu'on a l'impression que le temps n'aura jamais d'emprise dessus (là où l'expérience de la couleur chez Bergman, mis à part peut-être sur 'Une passion', n'a pas toujours été très heureuse).
Côté sujet et thèmes abordés, on a souvent présenté ce film comme une synthèse bergmanienne et c'est plutôt vrai: d'abord une nostalgie bourgeoise/familiale très marquée, et assez typique (voir 'Les fraises sauvages', ou encore 'Cris & chuchotements' pour un regard plus tout à fait aussi conciliant) - et qui à mon avis donne lieu à quelques longueurs & faiblesses dans l'ouverture et le dénouement du film...; quelques incursions dans le surnaturel ou le mystique (déjà abordés dans Le visage, ou A travers le miroir) - avec même une scène d'horreur digne de 'L'exorciste' (sans déconner!) - mais il s'agit d'un surnaturel qui est peut-être d'avantage à rapprocher de ce que Kieslowski développera par la suite (notamment sur 'Sans Fin'), que de ce que Bergman avait lui même pu explorer par le passé; et puis toujours au centre du film une série de couples qui se foutent sur la gueule (mais ça, ça semble plus fort que lui!) - mais là encore avec globalement plus de tendresse que d'accoutumée.
La chose peut-être nouvelle que le film apporte est ce regard sur l'enfance (ou plus exactament, 'de' l'enfance), avec du coup une lumière plus singulière portée sur le monde extérieur, d'un côté plus tranchée, "incorruptible", et dans le même temps nourrie d'imaginaire et de fantasque. Ce qui donne d'ailleurs lieu à une paire de scènes oniriques simplement magnifiques (et qui, je crois me souvenir, ont partiellement sauté dans la version ciné, raccourcie de 2 heures).
Dernière chose, une paire de performances d'acteur à souligner, et parmi eux avant tout Jan Malmsjö en évêque/beau-père tyrannique et excellement détestable.
Voilà, c'étaient juste quelques mots parce que ce film m'a mis une claque, qu'il ouvre des milliards de perspectives, et qu'il est à voir! Comme je l'ai dit plus haut, les scènes de retrouvailles familiales en ouverture et fermeture sont peut-être classiques et relativement les plus faibles, mais le développement central est une merveille de richesse & de maîtrise.
Khyber
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le 5 janv. 2015

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Khyber

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