Film vu dans le cadre d'une projection presse...


Kang Je-gyu. L’un de ses cinéastes sud-coréens qui rêvent du grand Hollywood. Je suis sérieux, il n’y a qu’à voir chacune de ses réalisations pour voir la façon dont elles suintent le film à l’américaine. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on rapproche souvent la cinématographie du Pays du matin calme au Pays du Grand Capital. Shiri, Frères de Sang et maintenant My Way. Enfin, "Far Away, les soldats de l’espoir" (2012) à la sauce Wild Side qui joue encore du retitrage, petite manie qu’a cette société de production et de distribution que nous connaissons tous très bien ici. Passons. Far Away, les soldats de l’espoir donc qui ne lui ouvrira sans doute pas encore les portes hollywoodiennes à l’image d’un Bong Joon-ho, Park Chan-wook et Kim Jee-woon d’autant plus que le film fut un bide, localement parlant. Un peu plus de 2 millions d’entrées, c’est peu de chose lorsqu’on sait que son film précédent fut l’un des gros succès du box-office coréen et celui d’avant encore.


Avant de voir que son film serait un échec, malin qu’il est et rêvant encore et toujours du grand Hollywood, Kang Je-gyu tente le coup de bluff ! Un nouveau film de guerre qui s’inspirera d’une histoire vraie. Une histoire qui fit grand bruit en Corée du Sud. Il table donc sur une histoire connue, l’histoire d’une photographie d’un homme qui fut à la fois soldat japonais, soviétique et allemand. Cette fois-ci, on oublie la guerre de Corée et son histoire de frère séparé par les évènements et on tape dans la Seconde Guerre Mondiale. Mais attention ! Ici pas de famille déchirée, quoique un peu tout de même. Il faut bien faire pleurer les spectateurs avec les envolées violonistes. Dans la superproduction Far Away, les soldats de l’espoir, on y parle bien de deux hommes mais pas de deux frères, non ce serait un bis repetita commercialement flagrant. On y voit alors deux rivaux, l’un japonais, l’autre coréen. Une dualité explosive qui après avoir pris place sur la piste marathonienne se poursuit sur le champ de bataille. De vous à moi, il y a moyen que vous ayez la chair de poule à un moment donné ou deux. Mettez-moi Andrea Bocelli pour la musique d’ambiance !


Car s’il est bien une œuvre emblématique c’est Far Away, les soldats de l’espoir. Minute. Vous savez ce qui est pas mal lors de ces projections presse ? Ce sont les dépliants, la pub autour de cet évènement. J’ai découvert tout un tas d’info plus incroyable les unes que les autres. A quoi bon chercher sur Google (marque déposée) si tout est là ?! Pourquoi Far Away, les soldats de l’espoir est un film si emblématique ? Une minute, je vais vous le dire, juste le temps d’attraper ce fin livret édité par notre société de production et de distribution préférée.


Tout d’abord par son ampleur ! 3 ans d’écriture du scénario et de vérification historique. 300 Go de données collectées pour les recherches historiques (beaucoup plus que les films de Cherycok uploadés sur Hkm), 14 mois de pré-production, 2 années de préparation et de repérages pour les tournages internationaux, 1 mois de tournage en extérieurs en Lettonie. 1 mois… en Lettonie… le tournage fut sacrément dur. Ce n’est pas terminé. Le budget ! Cramponnez-vous à vos claviers, j’annonce la somme que vous mettrez en parallèle avec le nombre d’entrée et vous vous ferez ainsi une idée du bide : 25 ! Yep ! 25 millions d’Euros ! Pas de dollar ou de monnaie de singe coréenne. Je parle d’euros ! Son ampleur ne s’arrête pas là. Oh non, loin de là. 170 personnes dans l’équipe de production. On vous l’a dit qu’elle était grosse comme production. 16 700 figurants au total ! Par contre, ils ont abusé parce qu’avec Frères de Sang, ils avaient tapé dans le 25 000. On pourrait continuer et parler des 5 caméras utilisées en simultané pour les scènes de bataille (pour les connaisseurs et les autres aussi : 2 RED MX, 1 ARRIFLEX 435 et 2 CANON 5D Mark II). 8 mois de production dont 156 jours de tournage. 5441 plans, dont plus de 1500 effets spéciaux numériques (petite pensée à Guillaume d’1kult.com également présent qui a dû kiffer sa race pour parler comme un jeune du début des années 2000). Devons-nous parler des 263 armes à feu utilisées, de 18 types différents ainsi que des 57 500 balles utilisées ? Devons-nous rajouter les plus de 1100 uniformes utilisés, dont plus de la moitié fabriqués spécialement ? Devons-nous préciser que 400 km², c’était l’envergure de l’espace où les décors de Nomonhan, du camp de prisonniers et de la grande bataille de la guerre Russo-allemande ont été construits ?


J’ai parlé du casting ? Un casting réunissant les plus grandes stars – et icônes de la jeunesse – du moment mais pas trop quand même voire un peu dépassé. Jang Dong-gun, un peu bouffi et qui joue encore le jeunot qui s’en va en guerre, mouais. Le bel âtre Jo Odagiri, yeah. Fan Bingbing, LA star chinoise… dont on aurait pu se passer. Au-delà de son casting et de l’ampleur, ce que Kang Je-gyu affiche c’est une ambition, sans compter les moyens techniques mis en œuvre. Il est allé chercher… Lee Mo-gae ! Vous savez le chef-opérateur attitré (ou presque) de Kim Jee-woon (2 Sœurs, J’ai rencontré le diable,…). Lorsque je vous dis qu’il rêve de Hollywood le bougre ! Du coup, c’est de la grosse artillerie, avec un scénario (3 ans d’écriture pour rappel) qui ne rigole pas avec nous. Il nous en met plein les yeux et quand le grand spectacle s’allie à l’émotion et lorsqu’il se transforme en une épopée incroyable où deux rivaux deviennent deux frères… alors on assiste bel et bien à une fresque épique spectaculaire à la réalisation grandiose et aux effets spéciaux impressionnants. Cette histoire vraie racontée dans cette superproduction nous entraine dans trois batailles majeures, de l’armée japonaise impériale qui affronte l’armée soviéto-mongole (l’incident de Nomohan), en passant par l’armée soviétique qui affronte l’armée allemande nazi (la guerre russo-allemande) jusqu’à l’armée allemande, toujours nazi contre les alliés (le débarquement en Normandie)…


Il n’y a pas à dire, c’est pratique ce genre de livret presse. D’un coup, j’ai l’impression de faire partie des pontes de la critique (papier et virtuel) dont certains pompent allégrement ce genre de matériaux. Ça vous fait facilement une chronique sur un film. Il suffit juste d’y mettre une forme un peu plus personnelle et vous l’avez votre avis.


Malheureusement, je ne pourrais parler en bien de Far Away. Je ne sais même pas pourquoi j’emploie le terme « malheureusement » comme si j’en étais déçu ou désolé. Je n’en attendais rien comme je n’en ai jamais rien attendu du bonhomme derrière la caméra. Kang Je-gyu nous offre certes un film spectacle mais un film spectacle qui n’est pas de ces grands moments de cinéma. Il est de ces films qui rejouent éternellement les mêmes scènes en tirant continuellement sur les mêmes fils. On y pousse encore et toujours plus loin l’émotion programmée dans un film qui enfonce continuellement des portes ouvertes, sous couvert de vouloir dénoncer l’âme obscure humaine qui nous habite tous. Ca en devient presque gerbant. Lorsqu’on n’est jamais bien loin de justifier l’immonde par des relents patriotes où finalement japonais, allemands comme soviet’, tous les mêmes sauf les coréens, peuple oppressé de son état. Oh bien entendu, il y en a des coréens qui se comportent aussi mal que ces « autres » qu’on nous dépeint mais c’est surtout se donner bonne morale que de nous les montrer. Je vois sans doute le mal partout, qui sait ? Vrai ça, ces allemands nazis, ils seraient presque sympathique lorsqu’ils jouent au foot et qu’on rejoue la Coupe du Monde 2002 Japon/Corée du Sud main dans la main. Comment ils étaient trop bons les japonais et les coréens en 1944. C’est qu’ils nous l’auraient gagné la fameuse coupe de la FIFA, s’ils l’avaient organisé à cette époque. Dommage… il y avait la guerre à ce moment-là avec des nazis forts sympathiques qui jouent au football, édifient des barrages avec le sourire et tuent allégrement des cocos qui ne le sont pas réellement puisque asiatiques enrôlés de force parce que les cocos c’est le mal et en plus ils brûlent les morts dans des fours crématoires. Les Nazis eux, bah ils acceptent des « jaunes » dans leurs rangs et ils font du foot entre deux digues creusées…


C’est comme cette histoire vraie au centre de ce film et sa genèse. Le réalisateur sud-coréen semble s’en fiche complètement. En vérité, elle lui permet seulement de rejouer à nouveau une histoire mettant en avant deux personnages comme il aime, une interprétation comme une autre de cette histoire, me direz-vous. Une histoire vraie censée être l’histoire d’un seul et même individu mais deux, c’est mieux. Dommage que l’auteur insiste à vouloir recréer ses Shiri et autres Frères de Sang et à trouver prétexte de s’amuser à vouloir refaire la guerre comme s’il jouait au petit soldat en testant tout plein de mouvement de caméra. Quel mépris pour une histoire qui méritait sans doute une autre vision des choses. Sans ça, le film est trop long, trop répétitif (même si l’histoire s’y prête), remplit de ces élans héroïques à l’aura sacrificiel qui en deviennent redondant et où nos « héros » évitent les balles et la mort à chaque explosion. Ils en ressortent à peine blessés et même si leur état est grave, il y a toujours ce côté « in extremis » attrait à la fiction qui les sauvent.
Même si l’histoire vraie de départ est incroyable, Far Away pouvait tenter d’être crédible, pas toujours mais au moins de temps en temps. Là pour le coup, c’est malheureux tant la crédibilité fait défaut. Qu’il est fort ce coréen qui survit dans un goulag dans des conditions extrême en continuant de s’entrainer à la course ! Ils sont où les 300 Go de recherches historiques qui vous apprennent que l’hiver sibérien, c’est rien, limite le club Med surtout lorsqu’on bosse comme un forçat pour trois fois rien à manger ? Ils sont où ces 300 Go lorsqu’on trouve encore la force de se battre après des journées harassantes en plein esclavagisme et à afficher des mines pas vraiment creusées par les conditions ? Je ne parle pas de ces coupes de cheveux débraillés qui frôlent une certaine tendance capillaire tellement 2010-2012 en Corée. Kang Je-gyu fera oublier tout ça par cette violence malsaine et le mauvais goût si cher de ce cinéma sud-coréen qui aime tant le jusqu’au-boutisme nauséabond.


En bref ! Far Away sortira en DVD/BR, à défaut de sortir dans les salles obscures (là où il avait sans doute plus sa place vis-à-vis de ses « effets spéciaux impressionnants »). Et à défaut, vous découvrirez donc cette fresque, cette épopée, cette énième histoire qui se répète inlassablement, celle d’une cinéma sans vrai panache. Un cinéma qui préfère s’amuser à faire la guerre en la rendant toujours plus vraie mais qui décidément ne parvient jamais à retranscrire une véritable aventure humaine. Faire illusion avec de la musique classique en nous montrant des acteurs qui pleurent, ce n’est pas ça du cinéma. Comme le cinéma ne se résume pas à une pseudo-virtuosité dans la réalisation parce que la caméra y prend de l’envol. Far Away, bientôt dans les bacs pour pas cher. A part si Wild Side parvient à prendre « soin de gommer les traits asiatiques du film lors de la campagne marketing. » ([sic] David Tredler dans son papier sur Quick, autre grosse production sud-coréenne puublié dans son blog L'Impossible Blog Ciné)


[délire kimbongparkien... http://kim-bong-park.over-blog.com/article-far-away-les-soldats-de-l-espoir-projo-presse-en-dtv-par-i-d-112285136.html]

IllitchD
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le 24 juil. 2012

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