Au premier visionnage, j'étais un peu passé à côté de la puissance formelle et narrative de "Fargo" : trop d'attentes liées à l'enthousiasme unanime autour du film, espoir déçu d'assister à un polar plus classique et plus musclé (avec des rebondissements, toussa...), et surtout méconnaissance de la filmo des frères Coen.


En effet, lorsqu'on connaît mieux la démarche et l'univers des deux cinéastes, on redécouvre presque complètement "Fargo".
La perplexité initiale face à une narration elliptique, à l'apparition déconcertante d'un ancien camarade de classe, et au caractère bête et méchant de (presque) tous les protagonistes, finit par se dissiper au profit d'une fascination vis à vis d'un récit sans grand mystère mais d'une fluidité impressionnante.


"Fargo" dessine le portrait acerbe d'une Amérique profonde ravagée, peuplée d'êtres médiocres, cupides et violents ; dans ce contexte, le fameux humour noir des Coen peut s'exprimer sans réserves, à l'occasion de quelques séquences mémorables (la victime qui s'ébroue dans la neige, tel un poulet sans tête, sous les rires moqueurs de ses kidnappeurs).


Heureusement, ce cynisme est (légèrement) contrebalancé par le personnage de Margie, la fliquette enceinte jusqu'aux yeux, qui forme un couple à la fois authentique et beauf avec son époux chauve et grassouillet, mais surtout aimant et attentionné (John Carroll Lynch).


La mise en scène soignée de Joel Coen, qui magnifie les paysages enneigés de son Minnesota natal, peut s'appuyer sur la photo splendide de Roger Deakins et sur la bande originale magnifique de Carter Burwell, pour proposer un rendu formel saisissant.


Un dernier mot sur la distribution impeccable, dominée par l'inénarrable William H Macy, qui incarne son personnage pathétique avec une conviction stupéfiante.
On appréciera également la figure nonchalante mais futée de Frances McDormand, ainsi que la prestation étonnante de Steve Buscemi, autre visage récurrent dans la filmo des frères Coen.
Une foule de seconds rôles pittoresques complètent le casting, véritable collection de gueules comme les affectionne le duo.

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le 9 juin 2015

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Val_Cancun

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