Encore une critique de Fight Club qui se perdra dans les méandres de Senscritique mais que voulez-vous, me voilà prise d'une envie soudaine de donner mon avis sur ce film.
Fight Club est un film séduisant, rythmée de citations "punchlines" bien calibrées, aux accents nihilistes et faussement subversifs, séduisant grâce au personnage de Tyler, aux jolies cernes d'Helena Bonham Carter, séduisant grâce à l'ambiance torturée, la violence distillée dans tout le film. La première fois que je l'ai regardé, j'avais l'impression de m'être prise une claque magistrale et d'avoir mieux saisi la perversion du système capitaliste dont je n'avais par ailleurs qu'une idée vague et peu approfondi.
Et petit à petit, mon avis sur le film a changé (à cause de mes études axées sur l'économie, de mon évolution personnelle, d'un sens critique plus aiguisé...). Je ne le trouve plus séduisant, je le trouve tristement ironique car symbolique du cynisme de ce système. Quand je repense aux fameuses punchlines de ce film, je les trouve simplistes et réductrices. Parce que travailler pour un connard de patron fait de toi un lâche? Vouloir acheter une voiture, aimer les fringues, fait d'un individu un décérébré futile qui se trompe dans ses choix? Bref, tout ça pour dire que l'antagonisme caricatural entre matérialisme et spiritualité, entre comportement conformiste et faculté de réflexion est caractéristique de ce film. Le comportement de la majorité des "fan" de ce film prouve d'ailleurs que c'est une déformation : combien continuent d'acheter, de convoiter l'acquisition de nouveaux biens, de rêver à un nouveau corps, tout en gardant un fond de conscience pseudo-révolutionnaire structuré par un cortège de produits culturels vendu comme "le" packaging de la subversion auprès d'une jeunesse occidentale, gâtée et en manque de mai 68? (Fight Club, Requiem For A Dream, Che Guevara, Lolita Pille...)
Bien sûr que le système capitaliste manipule les gens, bien sûr qu'il exerce une pression aliénante sur l'individu, que les normes et valeurs d'une société peuvent être coercitives au point qu'on est toujours l'amère et la légitime impression de gâcher sa vie, en nous faisant oublier qu'elle est unique par la promesse d'un avenir professionnel brillant. Mais ce que je reproche à ce film, c'est son manque d'approfondissement et finalement de véritable pertinence quant aux dérives du système critiqué. Quand on veut critiquer le système capitaliste, on le fait bien! D'accord, c'est un film, pas un documentaire. Mais tout de même... J'aurais aimé plus de recherche et subtilité dans le traitement du sujet, aurait été bienvenue histoire d'éviter de gros écueils qui gâchent le film.

L'image des individus pantins lobotomisés par la méchante société de consommation est elle aussi un poncif vu et revu, sucé et resucé si vous préférez, et manque cruellement de profondeur (cf les antagonismes du film que j'ai énoncé plus haut). C'est un parti pris "idéologique" peut-être mais ça ne correspond pas à ma conception de l'humanité. La violence physique comme seule issue à l'apathie et au mal-être, au point de fonder un club, me paraît comme une "attraction" de plus auprès des spectateurs qui aiment quand ça fight. C'est une conception de la psychologie humaine et du monde trop nihiliste et désespérée, qui selon moi, ne colle pas à la réalité. Là aussi, il y'a peut-être une volonté d'emphase et de noircissement de tous les traits de ce film, dans le but de toucher en plein cœur, de déclencher malaise et réflexion... Moi ça me donne un malaise factice, car je ne trouve pas l'arrière-fond critique suffisamment pertinent.
Bref, pour moi ce film séduit les jeunes générations avides de frissons et de subversion le temps de 2h15. Parmi eux, certains achèteront le merchandising du film... Voyez là tout le cynisme du film que j'ai dénoncé plus haut, et c'est là où réside le génie de ce film (domaine artistique exclus) : véhiculer des messages virulents contre la société de consommation... Tout en étant lui-même un objet de consommation.
Silencio
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le 25 avr. 2013

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