Parfois ça fait un bien fou de voir un film longtemps après.
"Frantic" de Roman Polanski est sorti sur les écrans français il y a maintenant vingt-six ans ; et pour moi, à l'époque, Harrison Ford représentait (à mes yeux d'enfant) la quintessence de l'"american acting", avec cette façon nonchalante de prendre chaque élément perturbateur du récit avec un flegme confondant, dans la lignée de Cary Grant, de Gary Cooper, de Stewart Granger... Révélé par les sagas "Star Wars" et "Indiana Jones" l'acteur a exploré d'autres champs cinématographiques pendant les année 80 (le cinéma de Peter Weir notamment) et en 1987 a lieu la rencontre décisive, celle avec Polanski, le puissant cinéaste Mitteleuropa en perte de vitesse depuis l'échec cuisant de son "Pirates" avec Walter Matthau deux ans auparavant.
Alors de ce film-là, français jusqu'au bout des ongles (et c'est un ravissement de reconnaître à l'écran Dominique Pinon, Arthus de Penguern, Yves Rénier dans le rôle de l'enquêteur de police ou encore Gérard Kein dans celui du majordome du grand hôtel), écrit par le cinéaste en étroite collaboration avec le merveilleux scénariste Gérard Brach, que dire aujourd'hui ?
Eh bien, c'est une splendeur, l'enregistrement en technicolor de toute une époque, celle de la vie noctambule parisienne durant les eighties, quand sortir la nuit, aller en discothèque et se déhancher sur la musique électronique de Grace Jones était une obligation pour toute une frange de la population ; mais Polanski, cinéaste génial aidé par ses deux très beaux comédiens (Ford et Emmanuelle Seigner, ravissante et énigmatique), distille le malaise à travers l'enchaînement très "commedia dell'arte" des péripéties, toutes plus saugrenues les unes que les autres : par exemple lorsque Ford fait passer Emmanuelle pour sa jeune maitresse parisienne auprès de la police française alors que la veille, durant sa déposition dans un commissarait d'arrondissement il incarne le modèle exclusif de l'époux et du père famille "wasp" et puritain. Durant deux heures le docteur Walker et Michelle font tout pour échapper à la pesanteur : et ils passent une bonne partie du film en équilibre instable sur les toits de Paris, ou sur une péniche...
En fait "Frantic" n'a rien perdu de son pouvoir de suggestion et d'émerveillement sur le spectateur car il possède le s ingrédients de base de tout succès cinématographique, à la fois populaire et érudit : un scénario abracadabrantesque, deux superbes acteurs, et puis surtout Paris, la Ville Lumière magnifiée par la photographie veloutée de Witold Sobocinski.

Oui ça fait du bien de revoir les films longtemps après leur première exploitation...
Marcellien
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le 10 mai 2014

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