Avant-dernier Hitchcock sorti, à ma connaissance, Frenzy synthétise très bien l'oeuvre de celui-ci et propose donc un condensé de tout ce qui démontre son talent et ses spécificités !

Déjà, pas de James Stewart ou Cary Grant dans le casting, Hitchcock a veillé à choisir des acteurs du théâtre londonien voisin, parce que le public s'était fait à l'idée que ces fameuses stars hollywoodiennes ne pouvaient jamais être les coupables. C'est donc un certain Jon Finch qui incarne le principal protagoniste, moustachu, sanguin, bourru et fraichement viré de son job : un bon loser que n'auraient pas renié les frères Coen ! Et pourtant, le film s'ouvre sur une magnifique scène sur la Tamise, pour mieux dévoiler le premier crime commis, à la cravate. Et il faudra un peu de temps pour que l'intrigue des meurtres (forcément en séries) n'atteigne ce brave moustachu, le temps de bien développer et présenter les différents personnages pour mieux instaurer un suspense durable.

Et puisque Hitchcock n'aimait pas les policiers dont tout l'intérêt était concentré sur la recherche du coupable (les fameux "whodunit"), celui-ci se révèle très vite, et comme dans Psychose, le suspense portera plus sur la découverte ou non du coupable par la police, avec en parallèle l'arrestation potentielle d'un innocent. Deux pour le prix d'un, un véritable best of de sa carrière vous disais-je en préambule

Le tout alors que tout semble évidemment accuser le brave innocent, qui a vraiment toutes les circonstances contre lui, et peu importe que ça fasse "too much" ou que ce ne soit pas vraisemblable, Hitchcock détestait ça ! Son légendaire humour est lui bien présent, et rien que le personnage de l'inspecteur chargé de l'enquête en témoigne parfaitement : ce malheureux fait chaque soir le point sur son enquête avec sa femme, qui s'exerce de son côté à la cuisine française, mais préparée par une Anglaise (et au vu de la mine réjouie de son mari, ça a l'air aussi "delicious" que ça en a l'air). Bref, quelques tacles bien sentis sur le raffinement français, de l'humour de situation et de plans (on montre tellement plus avec des visages expressifs qu'avec des mots).

Parce qu'Hitchcock aime le cinéma, et chaque plan en témoigne, de par ses idées, de par son originalité, de par son efficacité, de par sa capacité à résumer des actions en montrant tout autre chose (le traveling dans les escaliers alors qu'une femme vient d'entrer chez l'assassin, lentement, jusqu'à sortir de la maison, est juste fabuleux tant il est éloquent sur le destin funeste de cette pauvre fille) ou de par ses astuces visuelles, comme ce plan inaugural sur la Tamise, qui donne l'impression qu'on passe sous le Tower Bridge (ce qui est rigoureusement interdit) par un astucieux zoom.

Bref, ce n'est pas le meilleur Hitchcock, ce n'est pas le plus surprenant, ni le plus innovant, mais ça demeure un film très efficace, à la fois profondément noir (même le gentil n'est pas aussi lisse que les héros incarnés par Stewart) et pourtant léger dans de nombreuses situations, le tout avec une ville de Londres bien restituée. Du bon Hitchcock.
Floax
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le 29 juil. 2014

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