Ca vaut le détour.

En peu de temps et avec une certaine modestie, Gerontophilia pose quelques bonnes bases : sur le fond, il y a cette question explicite de la remise en question des idéaux de beauté associés à la jeunesse, et l'expression d'une liberté de rôle pour tous les âges. Deleuze disait que ce qu'il y avait de merveilleux avec le fait d'être vieux, c'est que les vieux ne sont pas "vieux quelque chose" (sauf parfois vieux cons), on leur fout la paix. Il adorait ça. Mais cette invisibilité du vieux est aussi la condition d'un exil social qui les rejette en dehors des sphères de la sexualité et du rapport de séduction. Plus largement, tout ça a évidemment à voir avec la perte d'autonomie postulée des vieux par le reste de la société.

Ainsi cette relation à la vieillesse (et à un vieux) entretenue par ce jeune homme a-t-elle plusieurs niveaux de lecture, qui entrent tous dans une sorte de comportement critique des rôles sociaux. En toile de fond Gerontophilia pose les bases d'une question de justice sociale, par ailleurs presque conscientisée par les personnages : la petite amie du personnage principal n'arrête pas de lui dire qu'il est un saint, chose qui l'énerve prodigieusement. En effet, de son point de vue son attraction pour le troisième âge (dont on comprend le sens grâce à son carnet de croquis, très belle idée du film) n'a rien d'anormal ni de généreux. Il s'agit encore une fois d'une liberté des rôles sociaux pour tous, jeunes ou vieux.

Le film reste quand même modeste, et on aurait par exemple aimé voir plus développée la relation entre le personnage central et sa jeune copine, et aussi un rôle de mère mieux campée (surtout en comparaison de la mère dans Mommy qui a mis la barre assez haut).

Mais ces imperfections liées à l'ambition du film (limitée probablement par le budget) n'enlèvent rien à son propos et ce qu'il apporte de rafraîchissant aux spectateurs et spectatrices.