Harry Potter et la découpe de feu
Alors que l'épisode précédent nous avait laissé bon espoir pour la suite, voici que débarque ce quatrième opus qui, s'il ne fait pas les erreurs des deux premiers films, installe une autre tradition de défauts qui colleront à toute la seconde partie de la saga Harry Potter.
La Coupe de Feu est un tournant important dans les romans, considéré par beaucoup comme le passage à la maturité de la série. Rowling s'était déjà débarrassé de certains tics agaçants pour basculer vers une écriture personnelle, un style affirmé et souple avec son second roman, mais ici, pour la première fois, l'intrigue centrale de la saga prend réellement le pas sur l'arc narratif de l'épisode, et si dans les premiers romans on sentait ce souffle épique sourdre au détour d'une page, dans le sous texte d'une remarque, ici, il s'affirme haut et fort.
Pour les films, ça s'est passé un peu différemment. Après un premier épisode affligeant de platitude, reposant pleinement sur l'aura et la qualité du propos de Rowling, et un second épisode qui, bien qu'un peu plus réussi que le précédent, en restait le prolongement en terme de jeu d'acteurs, de qualité d'effets spéciaux et de finesse de réalisation, le troisième volet vient enfin rendre un tant soit peu honneur au roman dont il est tiré. Sans être un grand film, la justesse du montage, la qualité des effets spéciaux, l'épaisseur des personnages, le rythme général font que le film s'en tire avec les honneurs. Malheureusement, comme les deux étrons avant lui, il loupe le coche quant à l'une des qualités essentielles des romans : la mise en place de la continuité de la saga, l'épisode faisant office de parenthèse isolée.
Ce quatrième volet marque une rupture nette. On quitte le monde de l'enfance pour entrer dans un monde plus dur, plus sérieux, moins british aussi. Les acteurs ont l'air d'avoir pris cinq ans dans les dents, et la fine manière d'osciller entre innocence enfantine et pesanteur dramatique dans les romans laisse place ici à un sorte d'actionner édulcoré pour passer aux heures de grande écoute.
Tout n'est pas si sombre, évidemment, car l'origine est quand même un roman de grande qualité, mais le résultat à l'écran peine à convaincre. Tout d'abord, le roman est long. Du coup, durant tout le film, qu'on ait lu les romans ou pas, on subit des coupes franches en guise d'élipses vraiment particulièrement mal gérées, cassant la continuité de l'ensemble. On sent même par moment l'économie de moyens (les réductions du budget "dragon" semble-t-il, au point qu'on n'ait pas même droit à la miniature de l'un d'entre eux). Certains des tics agaçants des acteurs sont revenu en force, alors que le troisième volet nous en avait fait grâce, les personnages sont creux, l'enrobage est tape à l'oeil, surfant parfois avec le grotesque. Bref, c'est un peu un échec.
La trame efficace du roman sauve heureusement l'ensemble du naufrage, mais là encore, avec des réserves. L'intrigue liée à Voldemort semble fragmentée ça et là et surtout intervenir dans l'intro et la conclusion du film, alors que dans le roman, toutes les pistes lancées dès le tout début de la saga se tressent doucement au fil des épreuves de la Coupe de Feu pour aboutir à une trame solide et fine en fin de roman. A cet égard, le film se vautre complètement, en partie parce que les précédents films n'avaient rien gardé de cette trame globale, mais aussi tout simplement parce que le réalisateur n'arrive pas à condenser son propos sans le massacrer. Dommage.
Au final, après une première moitié extrêmement poussive, des épreuves envoyées à la pelletée, la force du roman prend malgré tout le dessus et sa densité dramatique réussit à infuser quelques unes des plates images du film.
Et bon, il y a quelque plan de Hoggward en extérieur qui se défendent. Mais clairement, le roman méritait mieux que ça.