Holy Motors est un film passionéchiant. Ca casse un peu les couilles mais on s'en souvient.

Première chose, c'est effectivement un film pour fanboys. Leos Carax est fan de, et il nous le fait savoir. D'où également l'inimitié presse spécialisée, qui aime à se palucher sur les créations des cinéastes qui partagent le bon cercle de références, et du grand public qui s'est tout de même bien emmerdé. Il y a donc toujours cette impression étrange de regarder un film d'auteur des années '50 ou '60 dont les décors seraient remis au goût du jour. Tout y est : rythme lent, silences, structure décousue. Tout ici est hommage au cinéma, au passé. Les séquences dans la limousine et dans la Samaritaine rappellent le Toby Dammit de Fellini (c'est resté mon impression tout le long du film). Les Yeux Sans Visage, Les Amants du Pont-Neuf, La Planète des Singes, Blow Up, les références se multiplient et font tourner la tête aux autres fanboys. On se demande par moments si l'on ne regarde pas le film d'un étudiant en cinéma qui aurait assez d'argent pour tourner ses fantasmes.

Ensuite, le film est déséquilibré, avec des segments qui me paraissent très inégaux. Le passage père-fille, oncle-nièce sont particulièrement réussis. Les moments les plus savoureux sont finalement ceux de la complicité Edith Scob – Denis Lavant, qui évolue au fil des rendez-vous. L'interlude relève l'impression que l'on a de la première heure qui n'est pas exceptionnelle au demeurant. En revanche, quelques moments imprécis et ennuyeux : la Samaritaine avec l'impossible Kylie Minogue, la séquence cascadeur effets spéciaux, la clodo. La partie avec Eva Mendes est probablement la plus dérangeante, assez longue et morbide. Un jeu dégoûtant de Belle et de Bête-Quasimodo-Pan qui n'apporte absolument rien au tout. La force du film réside aussi dans ce déséquilibre émotionnel : on se sent tour-à-tour spectateurs d'un chef d'oeuvre, d'un navet, d'une comédie, d'un mélodrame, … et c'est aussi la faiblesse : à force de jouer avec les émotions et les envies du spectateur, Carax réalise un film moyen.

En définitive, on a l'impression de regarder un film si dense en sous-textes qu'il s'étouffe dans ses propres références. Un hommage au cinéma, oui, mais qui se contente de se prosterner devant ses inspirations. Un film hésitant entre toutes les choses qu'il veut dire. Ce n'est pas l'oeuvre d'un artiste mature qui maîtrise sa création, mais celle d'un passionné forcené. Bien mais pas top.
Maltesers
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le 9 déc. 2014

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