Quand Scorcese tente d'attirer les plus jeunes

Assez curieusement, c'est dans ce film pour enfant que j'ai apprécié plus pleinement le talent de ce réalisateur mythique. Cela semblera peut être honteux pour certains, et je tiens tout de même à ajouter que ce n'est pas mon préféré, mais j'ai tellement été déçu par ses premiers films qui firent sa renommée que c'est ravi que je suis sorti de la salle.

Ce qui m'a touché particulièrement, ce sont les thèmes toujours fascinant de la machine, du mécanisme, du temps qui passe, de l'amitié sincère entre deux gosses, et le désir de trouver un père. Évidemment le traitement se doit d'être efficace pour rendre justice à un tel cocktail de thématiques.

Là, Scorcese ravit, puis déçoit. Les deux premiers tiers du film sont assez bien rythmés grâce à un minimalisme maîtrisé (un début quasi muet, en écho peut être aux débuts du cinéma?); on y trouve des intrigues touchantes qui s'entremêlent et plairont surtout aux plus petits. Le dernier tiers en revanche est inégal. De lourdes chutes de rythme pour commencer, puis une tendance à être trop mélodramatique et enfin, un ridicule happy ending.

En fait, jusqu'à ces derniers instants, le réalisateur semblait ne pas prendre les spectateurs-enfants ou adultes- pour des idiots: les conflits-obstacles rencontrés par nos deux héros sont de la taille de leur âge; forcément ça peut paraître dérisoire pour un adulte, mais pour un gosse, de tels conflits peuvent signifier la fin du monde. Puis dans la dernière partie, Scorcese en fait trop, beaucoup trop et on n'y croit plus, d'autant qu'il prépare avec peu de subtilité les dangers à venir, laissant alors le soin au spectateur de souffler à l'avance...Dommage. (je soulignerai également la terrible scène du train qui n'a pas de sens... pourquoi le train va t il si vite alors que l'on voit au fond... que c'est l'arrêt et qu'il est censé s'arrêter de toutes façons, avec ou sans gosse sur les rails)

L'emploi d'une musique quasi incessante fait également défaut au film. Déjà qu'il faut supporter une 3D inutile, si en plus on doit devenir sourd. Je soupçonne d'ailleurs cet ajout mélodique d'être responsable en grande partie des moments émouvants... Retirez la musique et vous ne pleurerez plus! Et ça c'est mal. Un bon film n'a pas besoin de musique pour créer un sentiment, du moins pas de la sorte (je pense notamment aux musiques thématiques dont la fonction va bien au delà de la simple émotion... il y a derrière ce procédé un travail de grammaire cinématographique... Un thème peut par exemple rappeler un évènement douloureux avec subtilité, sans que l'image ait du coup à être trop illustrative à ce sujet).

La mise en scène est classe, surtout au début, où M. Scorcese met le paquet. C'est d'ailleurs souvent dommage dans un film, lorsque le réalisateur en fiche plein la vue les 10 premières minutes laissant alors le reste aux limites du téléfilm; Martin va, heureusement soigner un minimum le restant du film, mais le spectateur ne devra pas s'attendre, hélas à quelque chose d'aussi bluffant que ces fameux plans séquences! Le montage aussi fait écho à pas mal de techniques du cinéma naissant, sorte d'hommages maîtrisés. Le travail de lumière et de photoshopage rendent le film très beau à voir. Là par contre, le réalisateur est à l'extrême opposé de la beauté minimaliste d'un film des frères Lumière. Mais ce n'est pas grave, ça marche, ça montre l'évolution (surappuyée par une 3D qui, je le répète, n'apporte strictement rien au récit).

Enfin je dirais que je suis mitigé quant à la reconstitution des films de Mélies; il y a un bel acte d'amour du cinéma, on ressent un plaisir fou, mais je pense qu'un documentaire sur cet amoureux du cinéma aurait plus d'effet que d'assister à ce qu'il filme... Du moins dans le contexte du film dans le film... peut être les courts métrages pris à part créeraient davantage d'enthousiasme.

Bref un film plutôt réussi, fun, mais qui part en vrille vers la fin (surtout que pendant une demi heure on a droit aux petits happy ending de chacun des protagonistes). J'oublie de mentionner que le jeu des jeunes acteurs est plutôt convaincant à part lors de la scène du canapé, ridiculement théâtrale.
Fatpooper
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le 31 déc. 2011

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Fatpooper

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