A History of Violence ... and sex... and Violence.

Takashi Miike est un réalisateur prolixe, c’est peu de le dire. Du bonhomme, je n’ai vu que peu, un Ace Attorney, un 13 assassins et c’est marre.


Ichi the Killer est un métrage que j’ai toujours regardé avec une certaine répugnance malgré mon goût prononcé pour les hectolitres de sang et le grotesque sanguinolent des productions Troma les plus fauchées. D’appréhension en préhension, je finis par mettre la main sur un ami assez courageux pour regarder l’œuvre en question avec moi, sobre qui plus est, c’est dire que le gars est un brave.


L’œuvre sulfureuse de Miike est l'adaptation du manga éponyme que je n’ai point lu mais que je ne saurais tarder à me procurer, tant je pense qu’en papier la débauche doit être poussée plus loin et plus fort. On va donc suivre dans les bas-fonds de la pègre japonaise les évolutions de conflits entre clans, conflits provoqués par une troisième partie. Le film est centré sur la quête de vengeance de Kakihara, véritable personnage principal du film qui recherche son boss, kidnappé ou tué en torturant et tuant tout sur son passage dans une superbe débauche d'hémoglobine et de tripes rougeâtres.


Ichi the Killer est une des œuvres les plus absurdes que j'ai pu voir. Non pas vaine, mais bien absurde dans sa recherche constante de l'outrancier, du mauvais goût assumé et recherché jusque dans les cadrages, les plans assez grotesques parfois à base d'inserts déconcertants sur un pied planté, de gros plans sur des visages déformés par une moue ridicule. On est dans l'excès de violence désamorcé par le ridicule de nombreuses situations qui laissent pantois, la palme aux deux détectives jumeaux Jirô et Saburô, sadiques au service de Kakihara. Le mauvais goût flashy déborde jusque dans les costumes rose-violet , la garde robe colorée de Kakihara et sa trogne impayable, les tenues ultra sexy de Karen (Alien Sun). Tout y est voulu, préparé, pensé, jusque dans les scènes crasses et colorées à la fois dénotant d'une maîtrise de la mise en scène certaine.


Mais si on connaît Ichi the Killer, c'est surtout pour sa réputation sulfureuse de film trash, gore, dégueulasse. Sans nul doute Takashi Miike a réalisé ici une véritable ode à la souffrance démesurée, grotesque dans ses excès mais montrée sans aucune censure. Des scènes cartoonesque comme un type coupé en deux à la verticale ou des tripes volant hors d'une pièce dans un geyser de sang jusqu'aux scènes plus crispante à base de crochets, de langue découpé en gros plan, de bras arrachés ou d'aiguilles plantées. On fini par la voir banalisée, tant elle est omniprésente, cette violence, s'y habituer jusqu'à ce qu'une jeune femme se fasse couper les tétons en gros plan, qu'un couteau crisse sur une table en verre, qu'un viol se produise sans qu'on parvienne à ne ressentir autre chose qu'une crispation des sens, désamorcé par une scène grotesque de reniflage. Et peut-être est-ce là une critique de Miike, cette violence montrée dont on se repaît tout en la condamnant. Peut-être dans ce drogué enfermé dans sa télé qui se fout de tout y compris de sa mort, riant face à Kakihara, faut-il voir une volonté de satire du spectateur moyen. Peut-être somme nous à la place de Kaneko qui fini par sombrer dans la violence gratuite, s'acharnant sur une victime ensanglantée qui éructe pitoyablement un nom, litanie bouffonne et pitoyable.


Miike joue aussi de l'hypersexualisation de ses personnages dont la recherche constante de plaisirs sexuels est un leitmotiv important. Disons-le nettement, Kakihara est un taré dépravé qu'une vie de violence a conduit à ne rechercher le plaisir que par la douleur et qui pervertit tous ses combats par sa recherche de l'amour « coup de poing ».



« There's no love in your punch ».



La sexualité par la violence, sadisme et masochisme, c'est un peu la généralité dans ce film, Ichi bille en tête que les violences conjugales rend tricard jusqu'à ce que repoussé il finisse par tuer en chialant. Assez dérangeant, ce personnage, par ailleurs. Tout dans ce film vogue de fellations en masturbations, de tétons en saucisson. Sexe, violence, violence de sexe et sexe de violence, voila l'entièreté de la bobine. Ou presque.


Peut-être aussi me suis-je aussi bien compliqué la tâche à chercher du sens là où parfois il n'y en avait pas. Le personnage incarné par la superbe singapourienne Alien Sun a par exemple cristallisé à elle seule toute mes questions. Tour à tour prostituée lunatique, copine de l'ex-boss des Anjo, petite-amie du masochiste Kakihara dont elle ne parvient pas à satisfaire la soif de souffrance puis amie du vieil homme - son nom c'est Jiji... le vieux quoi - manipulateur, elle est à la fois retorse et naïve, faible et forte, protéiforme jusque dans son parlé puisqu'elle change constamment de langue, parlant dans une même scène tour à tour chinois, japonais et anglais sans aucune raison apparente. J'ai fini par me dire que le seul but de ce personnage est de rendre confus, de perdre celui qui après quelques minutes cherche un sens dans cette débauche d'agression pour les sens.


Ichi the Killer est un doigt d'honneur fièrement brandit à la face du bon goût, pied de nez à la bienséance qui basera toute sa communication sur cette violence et cette débauche, allant jusqu'à distribuer des sac à vomi à l'entrée des séances. Et on fini, nous pauvres spectateurs, un peu comme le bon Kakihara à la fin d'la bobine.


J'oubliais presque, tiens, les acteurs sont tous dans le ton, assez géniaux dans les excès. La performance de Tadanobu Satō est vraiment à souligner, Alien Sun est aussi génialement belle que dérangeante, Suzuki Matsuo peut être trop dans la farce dans le rôle des détectives et bien évidemment Nao Ōmori assez dérangeant en tueur geignard.

Petitbarbu
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le 27 mai 2016

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Petitbarbu

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