Sortie DVD de ce début d’année (le 20 février), In Another Country d’Hong Sang-soo porte une Isabelle Huppert rayonnante et contrastée. Voilà un film léger, entraînant le spectateur dans une ronde de personnages qui se croisent et se superposent au fil de trois histoires de femmes portant toutes le même prénom : Anne, et situé dans une petite station balnéaire coréenne, Mohang-ni, à trois heures de Séoul.

Hong Sang-soo nous avait déjà habitué à des histoires fragmentées filmant les rapports hommes-femmes. On peut citer Ha Ha Ha sorti en mars 2011 et qui enthousiasma la critique. In Another Country porte une fois encore une réelle originalité : petite équipe (pas plus de 7 acteurs), réalisateur travaillant sur le vif (scénario écrit la veille pour le lendemain), scénario avec césures jouant sur les répétitions (histoire coupée en trois avec des personnages récurrents et des situations similaires). Hong Sang-soo filme un cinéma loin de tout académisme, anticonformiste (jeu du zoom), avec peu de moyens et pour un résultat qui dénote une grande légèreté, une liberté dans le jeu et le parler des acteurs, faisant d’In Another Country un réel bain de jouvence.

En visionnant In Another Country, on est aussi frappé par un humour très présent. Le personnage principal, Anne (Isabelle Huppert), tantôt réalisatrice, femme amoureuse ou délaissée, échoue et évolue dans ce village coréen comme dans un microcosme étranger lui réservant maints surprises et l’entraînant vers des situations cocasses et décalées. Selon le rôle qu’elle endosse, les situations se répètent : sur la plage, elle cherche un phare qu’elle tente de mimer à un maître-nageur sympathique et envahissant… La rêverie se superpose aussi à ce comique de scène (proche du sketch par sa répétition et par le caractère du scénario ni tout à fait bien défini ni tout à fait improvisé) avec quelques cocasseries : un dialogue avec une chèvre ou des rêveries face à la mer où notre héroïne s’enflamme pour un réalisateur coréen, amant de passage. La poésie n’est jamais bien loin non plus avec un cadrage minutieux jouant sur le contraste des couleurs.

La mention spéciale de ce film revient sans conteste à Isabelle Huppert qui campe son personnage (ces trois rôles de femmes) avec un naturel époustouflant et beaucoup de légèreté. Elle endosse chaque costume – du jean et tong à la robe très féminine – avec une grande facilité et semble à l’aise dans chacun des trois rôles qui lui est confié. La seconde histoire où elle incarne une femme amoureuse sublime son apparente fragilité. Elle parcourt les scènes de ce film comme une fine silhouette au teint clair que vient rehausser la blancheur un parapluie ou l’éclat rouge d’une robe. Tantôt petite fille, tantôt femme mûre s’interrogeant sur l’existence, elle avance à la fois perdue et déterminée, enjouée, curieuse, comme sur un terrain de jeu. Isabelle Huppert dira d’ailleurs avoir appréhendé le lieu du tournage comme un vaste studio extérieur où tout se filmait à pas plus de 4 minutes de distance d’une scène à l’autre. Une expérience qui a fasciné l’actrice tant par la rapidité de tournage (15 jours) que l’apprentissage sur le vif des dialogues.

On sent d’ailleurs bien que l’actrice s’amuse et nous communique son plaisir de jouer tout comme sa découverte fugace des lieux : par la force de son jeu sincère, il s’en ressent une superposition du réel et de la fiction parfois troublante. Un tesson de bouteille sur la plage créé le lien entre ces trois histoires de femmes ivres de désespoir ou de liberté et menées par un réalisateur qui boucle son récit avec force d’originalité.

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Auteur : Diane
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le 11 févr. 2013

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