On ne pourra jamais vraiment mesurer l'ampleur du traumatisme laissé à l'Espagne par 40 ans de dictature. Le cinéma, comme toute expression artistique, possède le pouvoir catharsistique de mettre à nu les blessures. À l'image de Guillermo Del Toro (L'échine du diable, Le labyrinthe de Pan), Juan Carlos Medina s'attaque à l'histoire de son pays, dans un premier film complexe, multitemporel et ambitieux, à la lisière du fantastique.

Le point de départ est simple : des enfants insensibles à la douleur sont enfermés dans un hôpital. On les juge dangereux pour eux-mêmes et pour les autres, on veut les étudier. Cela se passe avant la guerre civile. Parallèlement, un chirurgien victime d'un accident de la route enquête sur ses origines. On peut lire Insensibles de multiples manières. Le film est un conte à la Rousseau, une métaphore du fascisme, une histoire de l'Espagne. Insensibles est également un film magnifiquement mis en images, impressionnant de rigueur et de maîtrise artistique.

C'est cependant dans son versant fantastique qu'il donne sa pleine mesure. L'histoire de cet enfant singulier que l'on voit grandir, se scarifier, expérimenter sur lui-même et les autres son étrange "pouvoir", est vertigineuse, et nous offre des scènes aussi terrifiantes que magnifiques. Le final est à ce titre d'une beauté hypnotique rarement vue. C'est au regard de cette réussite totale, que l'on regrettera les quelques faiblesses narratives des parties consacrées au chirurgien, même si son parcours est indispensable au film.

Fruit de huit ans de travail, aussi ambitieux dans la forme que dans le fond, sorte de conte des origines aussi troublant que complexe, Insensibles marque brillamment l'arrivée d'un réalisateur à suivre de très près.

Projeté au 23e Festival du Cinéma Espagnol dans le cadre d'une Nuit Fantastique, le film, sorti en 2012, n'avait pas été diffusé à Nantes...
pierreAfeu
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le 3 avr. 2013

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pierreAfeu

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