Michael Caine a rejoint le panthéon des comédiens anglais de son temps grâce à The Ipcress File (1965). Inscrit au top 100 du BFI, ce film de Sidney J.Furie se pose en alternative à James Bond : Goldfinger (fin 1964) vient alors de sortir. Le producteur Harry Saltzman et le compositeur John Barry renvoient directement à 007, le premier étant son co-producteur avec Cubby, le second fournissant les scores pour 11 opus. Ipcress lance sur grand-écran le personnage Harry Palmer, tiré de la série de l'Espion sans nom signée Len Deighton, auteur de romans policiers et d'espionnages, également historien et scénariste.


Ancien hors-la-loi coopté par des services de renseignement, il apparaît comme un 'antihéros', pas très au-dessus des basses contingences ni dominateur flamboyant comme l'est l'agent 007. Lui est vissé au réel, accumule les sarcasmes 'tombants', son caractère est brumeux ; au moins, il est têtu mais opérationnel. Pas d'adversaires clairs au programme, le danger n'est pas séparé et ses manifestations sont peu spectaculaires : l'ennemi se cache parmi les autorités et aux alentours. Ipcress offre donc une vision du contre-espionnage plus terrienne que romanesque a-priori, tout en jouissant d'une réalisation très soignée. Toutefois il rabâche les mêmes motifs et les mêmes préoccupations politiques que ses concurrents dans le genre ; il a l'humilité en bonus et s'avère d'autant plus trivial sur le fond. En somme c'est un film d'espionnage typique mais désenflé au niveau des protagonistes et de la gloriole ; un divertissement 'cru' avec du style, une poignée de dérobades et de pièges, du gadget d'apprentis sorciers scientistes puis surtout une enquête insignifiante.


Le plus frappant est finalement les superbes profondeurs de champs grâce au tournage en Techniscope (davantage que la séance de lavage de cerveau, bariolée mais aux arguments légers). L'atout premier c'est l'image, contrôlée par Otto Heller (également à la photo sur Le Voyeur de Powell en 1960) : amalgames déséquilibrés mais harmonieux de grisâtre et de criard, flot de bitumes, de vieilles pierres et tapisseries interrompu par des agressions acidulées. Toutes ces déviances viennent se superposer sans percer, à la manière de l'idylle ratatinée de Caine avec la seule femme non-figurante (touche de glamour corseté se fondant -et s'oubliant- finalement à la perfection dans la froideur des administrations secrètes). Caine reprendra le costume d'Harry Palmer dans Mes funérailles à Berlin (1966) et Un cerveau d'un milliard de dollars (1967). À cette trilogie s'ajoute deux films tournés d'affilée en 1995 (Bullet to Beijing, Midnight in St Petersburg) où Caine est encore de la partie. Ces deux-là sont refourgués à la télé et complètement ignorés hors de leur pays d'origine.


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le 1 juin 2016

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Zogarok

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