En 2008, Marvel lançait un projet colossal : créer un univers cinématographique lié, où l'ensemble des films sortis sous cet étendard s'entrecroiseraient pour culminer en une œuvre mastodonte : Avengers. Un succès monstre qui a vu le film de Joss Whedon glaner les éloges de la critique et briser de nombreux records du box-office. Un résultat inespéré qui a insufflé toute confiance et toute puissance aux studios Disney/Marvel pour lancer la phase 2 de ce projet. À peine un an plus tard, donc, c'est Iron Man 3 qui a la tâche de poser la première pierre de ce nouvel étage, tout comme le premier du nom lançait ce méta-univers.

Mais alors, la question se pose : comment intéresser le public à un film avec un seul héros quand on leur a vendu du rêve avec toute une équipe ? Pour le coup, Shane Black, nouveau réalisateur pour l'Homme de Fer, a voulu faire un long-métrage contrasté en ampleur avec Avengers, en revenant à une histoire à échelle humaine. Sur ce plan, on se souvient bien du traitement donné à Mickey Rourke dans Iron Man 2, loin des attentes des spectateurs. Mais c'est que Black donnait envie ! Il voyait son film comme un Thriller technologique.... grave erreur, c'est davantage une Comédie d'action SF/fantastique un peu kitschouille.

Et oui. Vous pensiez, comme les bandes-annonce le sous-entendaient, que cet épisode de clôture serait plus sombre, qu’on y verrait un héros en proie à un ennemi implacable, un héros acculé au bord du gouffre et seul au monde ? Foutaises. Ce qu’on retient d’Iron Man 3, c’est qu’il est extrêmement comique, bien plus que tout ce que Marvel a pu sortir, et surtout un traitement humoristique que l’on s’attend davantage à trouver chez Edgar Wright (en charge de Ant-Man). Tout simplement, on assiste à un "Robert Downey Jr. Show". Sans le cacher, on rit par moment à gorge déployée, mais d’autres fois par désespoir, car on n’en peut plus de voir les blagues, les gags, les sous-entendus, les références oldschool, les situations burlesques et grotesques, les dialogues qui ne sonnent pas naturels et consorts prendre le dessus sur l’idée du film. Oui, c’est marrant, mais tellement martelé tout le temps, tout le temps, tout le temps (comme ça), que ça en devient juste lourd et annihile tout effort de climax émotionnel ou toute piste sérieuse du récit pour restreindre le tout en une comédie avec des effets spéciaux. Du lot, un passage ressort vraiment : les échanges entre Tony et le gamin du Tennessee ; une saveur vraiment différente. Sinon, on a juste le sentiment que les scénaristes cherchent à masquer la faible teneur du film en faisant rigoler les spectateurs le plus possible pour qu’ils aient l’impression d’avoir passé un bon moment. Franchement déplaisant.

Si les problèmes d'alcoolisme prenaient trop de place dans Iron Man 2, pas de crainte, la production a été trop frileuse vis-à-vis des recommandations d'âge et les a évincés. À la place, on a donc un Tony pris d'angoisse suite à ce qu'il s'est passé dans Avengers : les sujets des extraterrestres et autres mondes qui semblent hors de sa compréhension, et qui l'effraient. C'est compréhensible et assez bien traité dans la psychologie du personnage, même si ça tourne vite à l'exagération pour faire du comique. C’est marrant parce que j’ai aussi beaucoup pensé à The Dark Knight Rises, pour le coup, non pas pour le côté sombre (inexistant, vous l’aurez compris), mais par rapport à un point que j’avais soulevé : pour un film qui s'appelle IRON MAN, où est IRON MAN !? Non mais sérieusement ? On ne le voit que rarement, en armure. Et pourquoi ? Parce que le thème du film est, en gros : ce n'est pas l'armure qui fait le héros, mais l'homme à l’intérieur... Un thème déjà abordé dans Iron Man et d’autres films antérieurs de super-héros. En parlant d’autres héros, il n’y a AUCUN clin d’œil ou allusion à l’avenir de la phase 2 comme avaient pu en disséminer les réalisateurs auparavant. Qui plus est, la scène d’après-générique n’apporte rien, et le caméo de Stan Lee est sûrement le plus superflu qu’il ait pu faire.

Disons aussi que le scénario est loin du Thriller promis, surtout qu’il est admis être basé sur l’histoire Extrémis des comics. C’est-à-dire cette histoire de virus dévié du sérum du super-soldat (Captain America) qui insuffle régénération augmentée et superforce à ceux qui peuvent le supporter. Tout l’intérêt de la bande-dessinée, c’est que Tony Stark se l’injecte et que ça va à jamais changer le personnage. Par exemple, il peut alors contrôler mentalement son armure. Ce point est bien mieux réinventé dans le film, puisqu’il dérive d’une avancée technologique de Stark. Pour le reste, le projet Extrémis est grandement dérouté de ce qu’il était. L'ensemble de la trame scénaristique est assez bancal (par exemple, Tony qui décide soudainement de tuer le Mandarin sans que l’on comprenne immédiatement la raison), et servi de quelques retournements... amusants, qui mettent vraiment l’histoire au niveau de celle du film précédent. Exception faite que, cette fois-ci, on a le plaisir d’avoir un affrontement final qui ne se résout pas en 30 secondes mais jonché d’acrobaties et rebondissements.

Surtout, on nous annonce en grandes pompes le Mandarin comme menace principale, sorte d’Oussama Ben Laden un peu plus théâtral (avec costume, culte, et tout), avec ses 10 bagues. Joie et allégresse. Ces dix anneaux sont, dans le comics, d’origine extra-terrestre et possèdent chacun un pouvoir - ce qui aurait pu recouper directement sur les évènements intersidéraux d’Avengers. Eh bien non, le méchant ne s’avère être qu’une pâle ombre de sa prestance dans les comics (on penserait presque à Baron Cohen dans The Dictator). Mais encore, ce n’est pas trop dérangeant et plutôt bien construit. Qui plus est, Ben Kingsley, même si j’étais dubitatif avec les premières photos du tournage, s’en sort plutôt bien, surtout dans la première partie, parce qu’il en fait un peu trop par la suite. On peut tout de même regretter que pour un méchant culte de l’univers d’Iron Man, sa présence soit sous-exposée, si bien qu’au bout d’une heure on ne l’a vu qu’une poignée de minutes.
C’est surtout parce que celui qui lui vole la vedette, c’est Aldrich Killian, joué par un Guy Pearce qui semble de nouveau prendre un plaisir certain à s’affubler de déguisements ridicules (comme dans Prometheus et Des Hommes Sans Loi), et n’apparaît pas très crédible. Son personnage est plus intéressant sur la fin quand il prend de l’ampleur en affrontant Tony, mais on en vient quand même à penser à Van Damme dans Universal Soldier. Amener ce personnage fait tout de suite penser au Justin Hammer (joué par Sam Rockwell) du second volet, mais il a un rôle bien plus important à jouer - même si dans la BD il se suicide dès le départ - puisqu’il a inventé le virus Extrémis et se constitue alors une petite armée d’agents superhumains qui ont plus l’air de vulgaires zombies incandescents.

Leur traitement laisse d’ailleurs l’impression de "créatures" de séries TV du style Buffy, Dark Angel… Et ce n’est pas la seule chose qui y fait penser : la réalisation de Shane est extrêmement pauvre. Pas de crainte à avoir, il s’en sort pas mal sur les scènes d’action ; on aurait apprécié plus d’intensité, mais au moins c’est lisible. Ce qu’il lui manque, c’est surtout de la dynamique. Ses plans n’ont aucune saveur et aucune image ne se grave sur la rétine. Et ses cadrages, apothéose de son côté amateur, font très série TV - bien plus que dans Avengers - si bien que de nombreuses scènes apparaissent cheap. Ajoutez à cela des décors quelconques (hormis la maison de Stark), et on se demande parfois si on est devant un film fait pour le cinéma. On peut comprendre l’envie de s’orienter vers un esprit plus "humain" dans l’envergure, mais il faut tout de même faire parler son côté artistique, et non seulement donner l’impression de ressasser GI Joe ou Die Hard. Je pense que le montage prouve ses compétences limitées dans le milieu avec des effets de transitions entre les scènes dignes d’un diaporama maison (effet de poussée horizontale…), et un découpage des scènes qui laisse à penser qu’il veut limiter les plans à effets spéciaux.

Pourtant, avec 200 millions de dollars de budget, il y a de quoi faire. Mais ce n’est plus Industrial Light & Magic - qui avait pourtant bossé sur les deux d’avant - en charge des CGI, mais toute une pléthore d’autres studios dont Weta Digital et Digital Domain. Et on ne peut s’empêcher de remarquer que le résultat n’est pas toujours aussi probant que de par le passé, notamment lorsque Tony a des bouts d’armure sur lui. Quand il s’agit des armures entières, il n’y a par contre rien à redire, mais certaines intégrations laissent à désirer vu l’ampleur du film. À mon avis, créer une collection de 40 armures, juste par plaisir de fan, leur est monté à la tête et ils se sont trop focalisés dessus plutôt que d’apporter de la substance ailleurs dans le film. Pas dans la musique en tout cas, puisqu’apparemment ils ont vraiment changé toutes les équipes en charge - exits les morceaux funs et Rock 'N' Roll - et Bryan Tyler sert alors des compositions calibrées, communes, loin de tout caractère épique, et surtout redondante et ennuyeuse sur le finale.

Sinon, pour finir sur le casting : Robert Downey Jr. est très bon dans ce qu'il fait, avec toujours son charisme devenu légendaire depuis le premier volet et son humour lâché avec un certain piquant. On sent toutefois qu’il n’a pas toujours le cœur à l’ouvrage et que certaines lignes ont été récitées parce qu’elles étaient dans le script. Davantage de "personnalité" aurait été appréciable ; gare au syndrome Johnny Depp/Jack Sparrow. Tony Stark peut être bien plus exploité que ça, mais il parvient à porter le film facilement, ce qui n’est pas mal. Gwyneth Paltrow a un temps d'écran relativement court, et au moins n'agacera plus en criant tout le temps comme dans le deux. Avec surprise, on la voit même porter l'armure ! Néanmoins, sa dernière scène est assez tirée par les cheveux et en deviendrait presque grotesque. Quant à Don Cheadle qui rempile en James Rhodes alias War Machine alias Iron Patriot (comme s’il n’y avait pas d’autres noms que celui d’un personnage complètement différent dans les comics…), il assure essentiellement des phases d'humour, comme beaucoup de Noirs en co-équipiers. Au moment où il mène un assaut avec Tony Stark, on a alors une bonne équipe de bras-cassés - à la fois assez drôle et désespérant sur la direction prise par le film. John Favreau a alors du courage de rester dans la franchise, son personnage étant réduit à un gros nounours un peu demeuré juste là pour faire rire le public. Rebecca Hall est mignonne comme tout, et fait penser à l'arrivée de Johansson dans le volet précédent, mais son personnage est bien trop vite expédié pour le rôle qu’elle aurait dû jouer. Enfin, James Badge Dale en bras droit du Mandarin, a une bonne tête de con, et remplit donc parfaitement son poste de bad guy. Pour tout ce qui est des hommes politiques, agents secondaires, ou simples figurants, leur jeu est accablant pour un blockbuster de cette envergure (je pense au Président et toute son équipe notamment) ; digne d’un bon téléfilm du dimanche.

Au final, Iron Man 3 se pose facilement comme le moins bon volet de la trilogie, par un traitement assez différent et trop superficiel, mais également comme un des moins bons films Marvel depuis le lancement de l'Univers Cinématographique Marvel avec le premier Iron Man. Ce troisième épisode - qui suit la règle de la fin de trilogie ratée (Spider-Man, Batman,...) - est tout simplement maladroit et met l'emphase sur des aspects inintéressants et rébarbatifs. Shane Black rend le héros complètement anecdotique et ne propose aucune idée vraiment captivante. Ce qui est plutôt ennuyeux comme lancement d'une seconde phase vivement attendue - qui débute même bizarrement avec le tube "Blue" de Eiffel 65. Je me rendais à la séance sans vraiment rien attendre, et j'ai finalement attendu de longs moments que le film se montre plaisant et valable. Il ne reste plus qu'à espérer que la prochaine stèle du projet, qui sera Thor 2, se montre bien plus à la hauteur que ce qui a été fait par le passé, sinon le déclin de Marvel sur grand écran sera annoncé.
AntoineRA
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le 24 avr. 2013

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AntoineRA

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