Si il y a bien un film d’épouvante que j’attendais par dessus tout c’est bien ce It Follows, le trailer m’avait scotché, les critiques presse furent dithyrambiques à son sujet, et moi qui suis plus que jamais à la recherche de la pépite du genre de cette décennie c’était avec une certaine confiance que je me suis lancé dans ce visionnage tardif (en raison de ce maudit cinéma de province qui n’a pas eu l’audace de le programmer), à minuit toutes lumières éteintes sous la couette, bref en condition parfaite pour vivre l'expérience comme elle se doit …


La séquence d’introduction met directement dans le bain, dans le sens où il y a tout : l’ambiance, le mystère, le côté percutant, la patte esthétique, le cadre étudié, la présence hors champ … Ça m’a mis une bonne petite claque d’entrée, je me murmure à moi même "Putain ça y est ! Enfin ! Allez film fait moi voir un peu de magie please", je raccommode mon oreiller et me laisser embarquer. Ce qui m’a principalement plu c’est cette atmosphère quasi nébuleuse, la bande son joue un rôle majeur, ce qui donne une réelle personnalité à l’œuvre. J’ai trouvé le traitement très eighties, surtout dans un paysage urbain pas mal old school, quelques indices nous laisse penser que l’action se déroule de nos jours mais on ressent une profonde intemporalité très affirmée, David Robert Mitchell l’avait déjà quelque peu démontré dans son Myth of the American Sleepover même si là on est un degré au dessus. On assimile assez vite les références aux films de Carpenter et Craven, justement dans ce climat horrifique next door, c’est simple et place progressivement les pions de l’intrigue concernant le personnage de Jay, adolescente s’éveillant au sexe avec son petit ami, c’est à partir de la scène de la salle de cinéma que quelque chose retient notre attention, c’est le tournant. Puis les choses s’accélèrent pour nous prendre à contre-pied, le passage du hangar désaffecté nous plonge littéralement dans un sentiment d’angoisse assez profond et dérangeant, c’est d’ailleurs admirablement bien filmé, l’apparition spectrale est tout ce qu’il y a de plus glaçante, d’un sens ça m’a rappelé le procédé de mise en scène de M. Night Shyamalan, fondre l’enveloppe horrifique dans le décor.


Ce qui est également frappant c’est que le réalisateur axe son film avec insistance sur cette jeunesse, on le voit à travers ses yeux, dépourvus de tout recul rationnel, les parents sont inexistants, ce qui traduit un degré de réalité fantasmagorique et innocente, où toute illusion est permise, l’identification au personnage de Jay est donc assez excellente, la paranoïa s’accentue au fur et à mesure que l’ambiance grossit, nous sommes prisonniers du film et c’est juste génial. On a droit à certains passages extrêmement flippants, pas de place à la vulgarité de dialogues sur-écrits pour agir comme un prétexte à instaurer des idées narratives, ni de jumpscares dénotant une facilité pour nous foutre une pétoche futile. Cela se fait par le cadre, la bande son et la suggestion, c’est très oppressant, c’est ça la peur cinématographique, la vraie, nous mettre mal à l’aise, ça fonctionne complètement. Et c’est excitant de voir comment DRM se sert du second plan, les fantômes se mêlent aux vivants, on ne sait jamais d’où la menace va vraiment arriver, ça m’a également rappelé l’introduction de La Nuit des morts-vivants de Romero, où le premier zombie apparait comme si de rien n’était au fond du cimetière, et une fois ce paramètre assimilé on est sans cesse aux aguets, ce qui n’est pas pour me déplaire, cette immersion bordel !


Puis lorsque l’enjeu est révélé le film prend un nouveau tournant, car jusqu’ici nous restions sur des interrogations, carte sur table quant au rôle de la chose qui poursuit l’héroïne, on peut y voir la métaphore d’une maladie sexuellement transmissible, qui dans un contexte de cinéma d’épouvante est défendable voir plutôt maligne. En tout cas c’est une façon originale de délivrer un message, car au final peu importe les tentatives de désinfection le sort en est jeté, baiser n’est donc pas un bon calcul, jeunesse garde ta chasteté et ta pureté si tu veux pas d'emmerdes. C’est d’ailleurs d’un sens lié aux codes de films d’horreur, seuls les vierges survivent, c’est bien connu. Et à un peu plus de la moitié du long métrage, je dirais dans le dernier tiers, j’attendais une évolution, une marche en avant dans l’intrigue pour mener à un point culminant, et là ça a coincé, car il faut bien avouer que l’histoire cale et répète le même schéma, pour arriver à la fameuse séquence de la piscine qui fait tomber, sans mauvais jeu de mots, le film à l’eau, enfin du moins sa crédibilité.


J’ai vraiment trouvé ce passage complètement idiot, on sait que la chose ne peut être tuée, ou quitte à essayer quelque chose pourquoi vouloir l’électrocuter dans un bassin avec des appareils ménagers ? J’ai même mis du temps avant de me rendre compte du niveau de connerie de la situation, et puis matérialiser le spectre style Hollow Man, aie aie aie, le cadavre qui chope le pied au dernier moment, etc. C’est dommage de se rabaisser à ce genre de clichés alors que tous les efforts étaient fournis jusqu’ici pour les contourner. Et conclure sur des images furtives pour se risquer à une explication tangible (la photo de famille, le père ressemble étrangement au type dans la piscine, j’ai tilté parce que le gars me faisait penser à l’acteur de The Walking Dead, bref) c’était à mon sens totalement inutile, on se fout de ce genre de résolution, ça n’apporte rien. J’ai tout de même plutôt apprécié l’ultime travelling avec encore cette utilisation de la suggestion dans le second plan, c’est bien pensé, et la coupure abrupte fonctionne assez bien, laissant libre champ à l’imagination du spectateur.


Voilà, ce It Follows m’aura globalement plu, l’ambiance du film est extraordinaire, notamment grâce à une bande son toujours bien exploitée, une réalisation léchée, une mise en scène talentueuse et surtout une bonne dose de frissons, malgré tout je reste avec un goût un peu amer concernant cette dernière partie plutôt maladroite qui dessert le contenu et les efforts entrepris pour sortir de la norme. Le statut de chef d’œuvre du genre des années 2010 est donc passé d’un cheveu, dommage, mais très bonne expérience qui prouve que l’épouvante peut se renouveler si on s’en donne les moyens.

Créée

le 18 mai 2015

Critique lue 2.8K fois

64 j'aime

12 commentaires

JimBo Lebowski

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

64
12

D'autres avis sur It Follows

It Follows
Kogepan
8

Miii ._. (ou : les aventures d'une souris devant un film d'horreur)

Je ne regarde pas beaucoup de films d'horreur. J'ai les bases, j'aime bien occasionnellement me poser devant un bon gros film terrifiant avec une bière, un coussin (très important, le coussin) et mon...

le 11 févr. 2015

134 j'aime

9

It Follows
Velvetman
8

Only monster forgives

Où sommes-nous ? Ce bruit assourdissant, dissonant, qui nous parvient à la vue de ce quartier pavillonnaire tout droit sorti de Blue Velvet ou Donnie Darko. Une jeune adolescente peu vêtue sort de...

le 5 févr. 2015

117 j'aime

8

It Follows
Sergent_Pepper
7

Suivre et survivre

C’est sur un éblouissement propre à séduire le cinéphile peu connaisseur du genre que s’ouvre It Follows : une superbe leçon de mise en scène. Le plan séquence initial, tout en lenteur circulaire,...

le 15 juin 2015

114 j'aime

11

Du même critique

Birdman
JimBo_Lebowski
7

Rise Like a Phoenix

Iñárritu est sans aucun doute un réalisateur de talent, il suffit de jeter un œil à sa filmographie, selon moi il n’a jamais fait de mauvais film, de "Babel" à "Biutiful" on passe de l’excellence au...

le 12 févr. 2015

142 j'aime

16

Star Wars - Les Derniers Jedi
JimBo_Lebowski
4

Il suffisait d'une étincelle

Mon ressenti est à la fois complexe et tranché, il y a deux ans je ressortais de la séance du Réveil de la Force avec ce sentiment que le retour tant attendu de la franchise ne pouvait m'avoir déçu,...

le 13 déc. 2017

137 j'aime

18

Taxi Driver
JimBo_Lebowski
10

Le Solitaire

Mon expérience avec Taxi Driver a commencée dans une salle de cinéma de quartier il y a 15 ans, tout jeune lycéen ouvert à l'œuvre des Kubrick, Tarantino, von Trier et autres P.T. Anderson, j’étais...

le 27 oct. 2015

130 j'aime

9