Sans ce bourreau du travail et de la justice, Mulder, Scully et toute la clique des agents du Federal Bureau of Investigation auraient sans doute été contraints à de viles besognes sans grand danger, sans extra-terrestres ni moult secrets gouvernementaux ! John Edgar Hoover n'avait pour ainsi dire aucune vie personnelle. Son obsession a permis néanmoins de créer l'un des systèmes de maintien de la loi les plus efficaces au monde : le FBI.

Clint Eastwood apporte à nouveau ses lumières sur une thématique assez forte. Ici, on retrouve un biopic – d'une longueur... mais c'est le genre qui veut cela que voulez-vous – d'un homme qui l'a fortement marqué dans sa jeunesse. Ce dernier disait encore au Figaro qu'il l'avait vu tellement de fois à la télévision... J. Edgar Hoover était à ce point énigmatique que le film, lui-même, évoque les éléments présumés, tels que son homosexualité, comme une voie légèrement ouverte proposant aux gens d'imaginer un peu ce qu'ils veulent. C'est une façon plutôt habile, quoique sans aucun risque, de ne pas prendre position. La démarche semble cependant forte intéressante car cela permet de générer des hypothèses et d'accentuer la participation active du spectateur.

Eastwood collabore, ce tour-ci, avec le prolifique DiCaprio. La presse du monde entier évoque le même charabia : « le jeune blondinet évite la voie de la facilité pour se concentrer sur de vraies rôles de composition », etc. Il est vrai que ses dernières apparitions ont été marquées d'un presque « sans faute » (surtout avec Inception et Shutter Island pour ne citer qu'eux). Dans J. Edgar, on suit sa – très longue - vie (on évoque aussi ce record à tire larigot comme quoi il resta une quarantaine d'années dans le business et qu'il résista au changement d'une petite dizaine de présidents... La classe quand même !). Eastwood a opté pour des maquillages afin de faire vieillir ses personnages. On ressort du film avec un souvenir mitigé entre des jeux d'acteurs de qualité sur des personnages artificiellement vieillis, donnant une allure de marionnette en plastique ou de vieilles stars bouffies au Botox. Le choc est cependant intermittent car on finit parfois par s'y habituer jusqu'à ce qu'un détail vienne tout foutre en l'air.... Clyde Tolson – le bras droit d'Hoover –, salement vieilli, perd d'ailleurs tout de son sourire d'antan. Arrive-t-il encore à bouffer ?

J. Edgar Hoover était un vrai Tanguy. Il vécut chez sa mère jusqu'au décès de cette dernière et ne semblait jamais avoir eu l'idée de s'en aller. Sa génitrice semblait miser énormément sur son fils. Cette relation est particulièrement bien ressentie dans le long-métrage. L'overdose professionnelle a cette méchante tendance d'accentuer la solitude, quel que soit le succès de la personne concernée. En cela, Eastwood décrit parfaitement son personnage. Le protagoniste est intransigeant avec son entourage tout autant qu'avec lui-même. Son attirance vers le même sexe semble le torturer et son seul lien parental n'hésite pas à lui rappeler qu'elle préférerait un fils mort que quelqu'un faisant partie de la "jaquette", comme disait-on jadis. On ressent vraiment cette lutte personnelle dans le personnage. DiCaprio met une énergie dingue dans sa prestation et on oublie tout ce qu'il a pu être lorsqu'il jouait, il y a quelques années de cela, le fameux homme au masque de fer, l'intrépide Jack de Titanic ou encore Arthur Rimbaud.

La construction du récit se fait via un découpage temporel désordonné qui, au final, ne gêne pas la compréhension de l'ensemble. La narration se justifie, au début, par une sorte de confidence sous forme de longues interviews du personnage visant la conception d'un mémoire sur la personnalité de J. Edgar Hoover. Ce dernier semble si fier de son parcours qu'on devine sa jubilation quant à l'intérêt qu'on lui porte. La cohérence du sujet et l'intérêt suscité par un personnage excentrique et égocentrique qui ne laisse pas de marbre fait de ce film biographique, une bonne leçon d'histoire sur un changement majeur de la société américaine du vingtième siècle. Après un « Au-delà » plutôt en-deçà de ce que l'on attend du cinéaste, il faut avouer qu'il nous rassure le bougre !
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le 12 janv. 2012

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Gaël Barzin

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