Clint Eastwood est un grand réalisateur...Pourquoi donc a t'il voulu copier Ang Lee?

L'affiche était alléchante: Clint Eastwood et Léonardo Dicaprio s'associent pour raconter l'histoire d'une des personnalités les plus décriée de la glorieuse Amérique, J-Edgar Hoover. « L'Eléphant du FBI » (il resta à la tête du bureau pendant près de 50 ans) dont l'attitude pendant les freedom rides ou au moment de l'assassinat du Président JFK, fut plus que controversée, méritait que l'un des plus grand cinéaste s'intéresse à lui.
Mais de l'intérêt pour la carrière de Hoover, Eastwood ne semble pas en avoir beaucoup, préférant à cela, la vie privée du personnage. On peut regretter que le si énigmatique patron du FBI soit au coeur d'un drame émotionnel davantage que d'un pamphlet politique. Pas plus...? en réalité, le choix artistique d'Eastwood serait légitime s'il l'assumait pleinement. Hoover n'a jamais fait dans la demie mesure, tant sur le plan professionnel que personnel. De nombreuses rumeurs circulaient sur son compte, la plus prégnante étant qu'il aurait été homosexuel, et avait une certaine appétance pour le travestissement. Eastwood se faufile dans la brèche. Pour lui, Hoover refoulait son homosexualité tant publiquement que dans le privé. Son film devient donc une grande histoire d'amour....

Malheureusement, Cleant Eastwood n'est pas Ang Lee, et J-Edgar ne vaut pas Le Secret de Brokeback Mountain. C'est même tout son contraire. Le réalisateur, dont les préférences conservatrices sont connues, présente une vision dépassée de l'homosexualité. Tout sonne faux: le gay qui s'assume (Clyde Tolson, directeur adjoint du FBI) devient une folle romantique; le gay refoulé est un insensible asexué. Eastwood nous présente sa vision très clichée de l'univers gay: Hoover transpire la première fois qu'il voit Tolson, se met progressivement à lui toucher l'épaule, et finalement, à l'aube du grand sommeil, lui baise le front. Sa mise en scène frise le ridicule, notamment lors d'une scène particulièrement ratée où, Hoover et Tolson en viennent aux mains, puis aux lèvres, quand le premier annonce l'éventualité de se marier. Malheureusement, cette séquence n'est pas le seul incident de ce film très long, ou le réalisateur ne dit rien, et tente de nous faire croire qu'il nous raconte tout ce qu'il sait. En effet, personne ne sait si J-Edgar était gay. On constate juste qu'il désigna Tolson comme son héritier. Les récits d'Hoover travestis relèvent de la légende. Eastwood s'en empare et la ridiculise dans une scène ou même L. Dicaprio ne parvient pas à convaincre. D'ailleurs, il serait ironique que ce dernier remporte enfin l'oscar pour un rôle pour lequel il fait l'absolu contraire de ce qui, jusque là, a fait son succès. Pour Eastwood, Dicaprio fait l'actor Studio. Il se grimme, il se grossit, il surjoue. Ce qui faisait la force de son interprétation dans Aviator ou Shutter Island, est cette fois bradé contre des couches de célophane, un faux ventre, et une voix off aux textes douteux. Clint Eastwood présente un film tiède; il est contamment dans la demie mesure. Il n'arrive pas à choisir sa période et oscille donc constamment entre les années 30 et les années 60, ne faisant qu'effleurer les évènements et les personnages. D'ailleurs la plupart d'entre eux en sont réduits à des rôles de faire valoir, telle Helen Grandy (Naomie Watts méritant mieux qu'un rôle de figurante), la secrétaire de Hoover, qui resta à ses côté tout au long de sa carrière. Cette dernière détruisit tous ses fichiers personnels après sa mort afin que personne ne s'en empare, rendant donc tout biopic sur la vie de Hoover impossible ou imparfait.
Mais la force d'un bon cinéaste n'est t'elle pas dans sa capacité à romancer la réalité? Un film ne doit pas être une caricature, une photographie du passée. Or le réalisateur semble avoir davantage voulu recréer l'Amérique d' il y a un demi siècle que nous la raconter. Les mauvaises langues diront même qu'il a grimé ses acteurs avec les outils de la mêmes époque (Clyde Tolson semble davantage avoir 100 ans que 70, Robert Kennedy a abusé de fond de teint...).

En d'autres termes, Clint Eastwood est un grand réalisateur, mais J Edgard Hoover n'est pas un bon film.
C-L
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le 22 janv. 2012

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