Mieux vaut que vous le sachiez avant de voir ce film : Hoover était homosexuel. Tout ceux qui avaient la malchance de s'en approcher de près ou de loin le savaient et le maintien de ce secret de polichinelle a malgré tout permis à ce bonhomme d'inspirer crainte et respect à l'Amérique entière pendant 40 ans, tout cela à une époque sensiblement moins tolérante que la nôtre.
Bon, après, sur les 40 années au cœur du pouvoir de Washington que couvre le film, il devait bien y avoir suffisamment de matière pour aller au-delà de cette seule histoire de mœurs? Eh bien il n'en n'est rien. Ce film est une immense déception. On ne peut pas ignorer la qualité des acteurs, mais entre le sujet, l'époque, l'odeur soufrée du personnage, la distribution, Clint Eastwood à la réalisation, on était en droit d'attendre quelque chose qui dépasse le niveau d'un mauvais Lincoln. Ça n'est malheureusement pas le cas.
On pourrait faire grâce à Eastwood du parti pris intimiste consistant à s'appesantir essentiellement (presque uniquement) sur la question des orientations sexuelles du personnage principal s'il s'agissait d'un héros de roman, facilement réductible aux volitions d'un auteur à thèse. Le même choix pour retranscrire la vie d'un personnage historique se heurte maladroitement à l'impossibilité (voire l'injustice) de limiter l'histoire d'un homme à un seul angle. Surtout que bon, entre nous, on parle quand même du fondateur du FBI, d'un Joseph Fouché moderne adepte du chantage politique, accroc au pouvoir. Pas de Harvey Milk (et merci à Dustin Lance Black d'éviter de s'atteler à un biopic sur Oscar Wilde, ça risque de nous faire trois fois le même scénar').
En revanche, il est impossible de passer au réalisateur de Gran Torino la platitude esthétique de ce film, la médiocrité de sa photographie, de sa musique jusqu'au maquillage même qui n'est pas à la hauteur!!!! Le parti pris consistant à retranscrire une atmosphère grisée et oppressante, voire malsaine peut se comprendre jusqu'à un certain point, mais cette limite dépassée, on est dans la faute de goût. Non, le monde avant 1940 n'était pas en quasi sepia (Clint devrait s'en souvenir, il a grandi à cette époque), tous les papiers peints et tous les bureaux n'étaient pas aussi déprimants, tous les intérieurs aussi rébarbatifs. On se demande devant un tel nuancier de gris et de bistre si on n'est pas en Union Soviétique en 1950 en train de raconter la vie du camarade Lavrenti Beria. Seule lumière tardive (et du coup incohérente), on découvre dans les dernières minutes que l'homme avait un intérieur coquet, voire raffiné. Dommage que cet indice de vie et d'épaisseur du personnage nous soit uniquement offert au moment où sa blancheur cadavérique tranche sur la pourpre d'un univers chaleureux.
Et pourquoi s'entêter à faire des biopics sans utiliser plusieurs acteurs pour un même personnage? Franchement, le personnage de Clyde Tolson (Armie Hamme) finit ses jours de manière pathétique non pas tant à cause de sa supposée paralysie faciale qu'à cause de la tonne de flasque mou répugnant qu'on lui a mis sur la tête et qu'on lui demande de faire trembler comme un parkinsonien en phase terminale. L'âge est un naufrage, l'abus de maquillage aussi.
J'ai le souvenir lointain d'un biopic infiniment plus puissant et inspiré sur le dernier président à avoir prorogé le mandat de Hoover avec un droit incontrôlé à fourrer son nez et ses oreilles dans tous les maisons de l'Amérique. On y croisait un policier infiniment plus convaincant, au désir de pouvoir bien plus lisible sous les traits de Bob Hoskins. J'attendais ça en mieux, j'ai été bien déçu.
Pierre-Guillaum
5
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le 16 mars 2014

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