Ambitieux projet que celui de nous compter la vie du créateur du FBI. Malheureusement, à ce niveau là, le film n'apporte rien. D'un point de vu purement historique, ce biopic n'est pas novateur. Mais, si la vie "publique" de Hoover ne nous apporte rien, Eastwood se montre particulièrement habile et talentueux quand il s'agit de nous montrer les secrets et non dits de la vie de cet homme au destin si incroyable.
Figure emblématique des Etats-Unis, Edgar Hoover a "dirigé" le FBI aussi bien que la politique de son pays grâce à ses dossiers dits confidentiels, que personne du reste n'a jamais retrouvé. Mythe ou réalité? A l'image des dessins animés et autres publicités parues sur lui qui se sont avérées être de pures fictions, comment savoir avec cet homme, fortement emprunt d'une dose de mythomanie, où s'arrête le mythe et où commence la réalité. La seule chose certaine est que sa vie et son oeuvre ont fait de lui une légende, et c'est cette ingéniosité qui est récompensée ici par Eastwood.
Certes, Eastwood signe son film de sa griffe habituelle des rythmes faussement lenteur, de la pesanteur des jeux d'ombre et de lumière habilement menés et des ellipses perpétuelles, mais nous ne l'avions jamais vu aux prises avec un exercice aussi difficile que le biopic. Car comment fabuler et laisser libre court à son imagination lorsque les faits traités ont réellement existé? En explorant le subconscient, en analysant ce que personne n'a réussi à démontrer, en jouant avec les rumeurs, voilà ce qu'est J. Edgar, une interprétation du génie et de la névrose d'un homme.
C'est à Léonardo Di Caprio qu'incombe la tâche ingrate d'incarner un homme non pas politique, mais du moins hautement politisé et complexe, et il s'en sort si ce n'est brillamment, au moins avec l'espoir d'une future nomination aux oscars. Méconnaissable, l'acteur sert une interprétation fascinante, angoissante et fragile de l'homme qui a dirigé le FBI pendant près de 40ans. Il n'est pas le seul, car le casting est à la hauteur de la réalisation: un bijou. Si l'homme est entouré par sa fidèle secrétaire et son amant, ceux-ci le craignent autant que les bandits et les présidents des Etats-Unis qui se succèdent lorsque lui reste inamovible.
La seule personne capable de lui tenir tête est sa mère, dont il tire sa force et sa faiblesse et à laquelle il n'avouera jamais son homosexualité, qu'elle considère comme étant la pire infamie et le plus grand déshonneur qu'une homme puisse causer à sa famille.
Pour racheter sa faute impardonnable Hoover s'est donc attelé à devenir célèbre, à briller, à être connu du monde entier, pour tenter vainement de cacher la vérité à sa mère, aussi bien qu'à lui-même. En braquant les projecteurs sur les bandits et personnalités sur lesquelles il détient des dossiers secrets, il tente d'échapper lui-même aux projecteurs et d'enfouir ses secrets au plus profond de son être, subtile et brillante, la thèse d'Eastwood a de quoi séduire et il y parvient facilement.
La jeunesse et le refoulement de son homosexualité sont baignés de lumière tandis que le présent est terni par la poussière et les zones d'ombres, Hoover n'est plus qu'une ombre de lui-même, tout comme ses plus proches confidents et amis. La maladie d'un homme sublimée par la caméra, et son acteur, un grand film.