Critique : Jane Eyre (par Cineshow)

On ne compte plus vraiment les adaptations de Jane Eyre au cinéma, à vue de nez, elles doivent flirter avec la quinzaine, c’est dire. Parfois un tantinet neuneues, parfois pompeuses, on avait jusqu’alors du mal à s’enthousiasmer pour les mises en images du roman de Charlotte Brontë. Pourtant, alors qu’on ne l’espérait plus vraiment, une nouvelle adaptation fera son entrée dans les salles françaises ce mercredi, plus d’un an après sa sortie outre atlantique et, victoire, celle-ci rend enfin hommage à cette œuvre culte de la littérature Anglaise.

Et il ne faut guère plus de quelques minutes pour se rendre compte que le traitement proposé par Cary Fukunaga sera bien différent de tout ce que l’on avait pu voir (ou subir) jusque-là. A ce titre, la scène d’ouverture dévoilant Jane Eyre (Mia Wasikowska) emprunte au cinéma gothique pour mieux nous immerger dans le désespoir de cette jeune fille fuyant son chagrin. Une ouverture à la poésie visuelle prenante et qui sera le meilleur témoin de la tonalité générale du film. Une recherche perpétuelle du beau, dans la photographie, dans les acteurs, dans la spontanéité. Une volonté affirmée de poser une emprunte tout à fait personnelle sur le texte malgré un suivi rigoureux de l’histoire, qui passera par un véritable parti pris graphique privilégiant le jeu sur les lumières et donnant à l’œuvre des effets rappelant parfois presque le thriller. Une réussite générale sur tous les niveaux qui ne transcende ni ne trahi jamais le matériau d’origine mais qui lui rend hommage en lui offrant sans doute sa plus belle adaptation au cinéma. Une réussite qui ne tient d’ailleurs pas qu’à la direction générale mais aussi voire surtout au casting particulièrement inspiré, et qui permet de créer une sincérité prenante dans la relation qu’entretiennent Jane Eyre et Edward Rochester. D’un côté, Mia Wasikowska (la Alice de Burton que l’on retrouvera prochainement dans Des Hommes sans loi) et de l’autre, Michael Fassbender, l’acteur bankable du moment qui a su en mettre Hollywood à ses pieds en l’espace de quelques années. Une tonalité forcément juste par ces acteurs rarement mal inspirés et qui permettra de faire naître une sensibilité à fleur de peau, même dans les moments les plus simples ou plus éculés.

Et c’est là la force de cette nouvelle adaptation, cette capacité à surprendre et à émouvoir en dépit du fait que l’on connaisse l’histoire par cœur, que l’on soit capable d’anticiper chaque rebondissement, presque chaque réplique. Car il ne faudra pas chercher l’ombre d’une prise de risque scénaristique, le scénario de Moira Buffini suit scrupuleusement le récit d’origine à la différence près que c’est à travers les nombreux flashbacks que nous découvrirons au fil des minutes la jeunesse difficile de la demoiselle. Une jeunesse entre coups de bâtons, punitions et école ultra stricte où rigueur rime avec lavage de cerveau religieux, et qui sera à l’origine du feu intérieur qui consomme la jeune fille, l’empêchant d’être à l’aise, de faire confiance bref, de vivre avec plaisir et de dépasser « son rang » malgré les signes évident du maître à son encontre. Une histoire romanesque dans la plus pure tradition intégrant son lot de tragédies (quasi grecques) qui deviendront rapidement le principal vecteur d’émotion du film.

Cary Fukunaga qui signe ici son second film après avoir été primé à Sundance il y a quelques années pour Sin Nombre (dans un registre tout autre) saisi l’essence de l’œuvre originale pour livrer une vraie et noble adaptation, s’élèvant sans mal au-dessus de tout ce que nous avions pu voir jusqu’alors. Grâce au travail sur la photographie et à l’interprétation très visuelle du texte qu’il propose, le soin apporté aux décors et autres costumes, la maîtrise du rythme et une direction d’acteurs sans faille (il ne faudrait pas oublier Jamie Bell quoi que moins présent et Judi Dench), ce Jane Eyre version 2012 (2011 aux USA) est réellement plus qu’une bonne surprise. Une histoire romanesque saisie avec sincérité et traitée avec passion, autant de bonnes nouvelles synonymes d’une forte envie de le revoir dès mercredi prochain (et vous savez comme moi que le film aura besoin de soutient face à la fusée The Dark Knight Rises… une fusée qui a d’ailleurs effrayé la plupart des distributeurs qui n’ont pas aligné grand-chose face à lui. A bon entendeur…).
mcrucq
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le 23 juil. 2012

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Mathieu  CRUCQ

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