Ces dix dernières années, l’esprit mercantile des exécutifs hollywoodiens a accouché de nombreux reboot, préquels et autres remakes foireux. Dès lors, inutile de dire qu'on était dubitatif à l’annonce de ce spin-off de la prestigieuse saga des Bourne qui a redéfinit les codes du film d’espionnage dans les années 2000 même si à l’heure actuelle, l’approche « réaliste » du genre prônée par ladite trilogie n’a plus rien de novateur.
Et pourtant, la présence de l’impeccable Jérémy Renner et de Rachel Weisz dans les rôles principaux et une bande d’annonce nerveuse auguraient d’un actionner rythmé et efficace bien que singeant allégrement ces prédécesseurs.
Malheureusement, la vision de la chose révèle l’ampleur du foutage de gueule…

Scénariste des trois volets de la trilogie initiale, Tony Gilroy se contente ici de caricaturer le matériau qu’il a lui-même crée. Pire, le bonhomme est incapable de renouer avec l’efficacité narrative de l’ère Damon et ne semble même plus comprendre ce qui en faisait le sel. En effet, la quête d’identité et la vengeance de Jason Bourne étaient des enjeux suffisamment forts pour captiver le spectateur et véhiculer une charge émotionnelle bien réelle sous des oripeaux de techno-thriller.

A l’inverse, l’héritage est un film désincarné, plombé par le caractère paresseux de son argument de départ et l’écriture sommaire de personnages dont les motivations ne sont jamais claires.
Pour combler le vide narratif, Gilroy étire son exposition sur plus d’une heure et fait avancer son intrigue avec une succession de scènes bavardes, mettant en scène des costards-cravate complotant dans des bureaux et censées établir un lien avec les aventures de l’agent Bourne.
On finit rapidement par s’en foutre et ce n’est pas cette histoire fumeuse de manipulations génétiques qui va y changer quelque chose.

En outre, le métrage est assez avare en scènes d’action et lorsque celles-ci surviennent, c’est pour recycler au plan près les morceaux de bravoure des opus précédents. Ainsi, la partie se déroulant en Alaska est la seule à faire preuve d’un minimum d’originalité et d’intensité dramatique (le personnage d’Oscar Isaac), quant au reste, c’est du vu et revu à l’image de l’inévitable course poursuite finale en plein trafic.
Enfin, Gilroy n’a pas le sens du montage et du (sur)découpage de Paul Greengrass et ne parvient pas non plus à égaler Doug Liman en terme de lisibilité de l’action. Résultat, sa mise en scène n’est guère transcendante et est pour beaucoup dans le manque d’identité visuelle de la péloche.
Au final, même les acteurs n’arrivent pas à sauver le film du naufrage : Renner et Weisz font ce qu’ils peuvent mais finissent par ressembler rapidement à une pâle copie du couple Matt Damon / Franka Potente et on se désolera de voir Edward Norton, autrefois grand espoir du cinoche ricain, venir cachetonner dans un rôle d’antagoniste totalement transparent.

L’héritage est comme le remix faisandé du thème de Moby qu’on entend lors des crédits de fin : raté à tous les niveaux !
En tentant de la relancer, Tony Gilroy et le producteur Frank Marshall enterrent la franchise prouvant ainsi une nouvelle fois que la cupidité des studios engendre souvent des naufrages artistiques.
Diego290288
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le 30 sept. 2012

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