Jeux interdits par ngc111
C'est une idée originale que de filmer les troubles et les conséquences d'une guerre dans un milieu paysan isolé. René Clément montre l’illettrisme, les guerres de voisinage puériles, la désertion et la lâcheté ; mais aussi la bienveillance, l'apport des nouvelles générations en matière d'instruction religieuse (le cadet est le seul à connaître son catéchisme et à pouvoir apporter le réconfort lors de la mort de l'aîné) ou artistique (l'une des filles qui découvre la lecture par soi-même), la générosité en la personne de Michel et de l'attention qu'il procure à la petite Paulette.
La mort est le thème central du film mais est abordée sans aucune violence ajoutée, plutôt dans sa nature première, la cessation de la vie et pas forcément l'absence ou toute autre émotion conséquente. Les gens meurent, leurs yeux sont fermés, on les enterre. La simplicité poussée à l'extrême.
Comme les parents de Paulette n'ont pu bénéficier des soins accordés traditionnellement aux défunts, les deux enfants vont se lancer dans l'établissement d'un cimetière pour que cela n'arrive plus... un cimetière pour animaux.
L'égoïsme est pourtant tout aussi présent en tant que thème majeur de l’œuvre et transparaît dans la moindre relation ; dans la volonté de la famille Dollé de ne pas être embêté pour la dégradation des tombes en livrant Paulette aux gendarmes, dans le recueil de la fillette même puisqu'il s'agit avant tout de ne pas se faire honte devant le voisin. On pourrait même trouver de l'égoïsme dans le comportement de Michel qui s'approprie Paulette comme compagnon de jeu, mais celui-ci est bien plus pardonnable et touchant.
Jeux interdits propose donc une vision différente de ce que peut-être la guerre vue par une catégorie de personnes peu impliquée dans ses causes et dans son déroulement, mais indirectement touchée par ses conséquences. Son approche épurée et naturelle, naturaliste même de la mort lui confère aussi un aspect intéressant.