D’emblée, des les premières scènes, Friedkin place ses personnages mais surtout le spectateur dans une position inconfortable. Les personnages, une famille recomposée, père bourru et largué par les évènements, fils dealer et vivier à problèmes, belle-mère crasseuse qui apparait dès le premier plan touffe à l’air sous le nez du spectateur et fillette vierge et ingénue. Ils regardent un film noir hollywoodien qui passe à la télé. On ne verra pas ce film-là chez Friedkin. Nous on regarde tout le film un chien enragé, bave aux babines, enchainé mais prêt à bondir à la première occasion. Friedkin ne laissera jamais la chaîne se rompre, il conserve la sauvagerie attachée, au premier plan, mais aussi en hors champ, les aboiements du chien étant continuels. Il nous laisse face à la terreur tout en signalant que celle-ci ne peut se séparer de son piquet. Le chien est attaché à la maison comme les personnages sont ancrés dans leur Texas, leur environnement pourri et leur petite vie sans intérêt.
Dans le film se déroule le petit théâtre du film noir, on connait le décor, on connait les acteurs, on connait les accessoires : fric, meurtre, sexe, femme fatale, tueur, ripou. On est en terrain connu.
Pourtant on reste dans cette position inconfortable. Friedkin ne définit pas totalement les bords du cadre. Le cinéaste nous plonge dans un exercice cynique et ultra malsain, dans lequel on hésite entre rire ou s’horrifier, le sérieux devient farce, l’outrance règne en maitre.
Au fond ce n’est pas grand-chose, une série B, mais une série B dans laquelle Friedkin déverse une vraie sauvagerie, dans un très petit périmètre, une mise en bouteille des ingrédients de ses précédents films qu’il agite avec plaisir. Pas très éloigné de Bug en fait (Killer Joe est l’adaptation d’une autre pièce de Tracy Letts). En terme de mise en scène (composition des plans, gestion temporelle, …) je trouve ça assez brillant.
Au milieu Matthew McConaughey, le fameux Killer Joe engagé par la famille pour assassiner la mère des deux gosses, synthétise les enjeux du film et offre une composition géniale, mêlant effroi et grotesque.
Teklow13
7
Écrit par

Créée

le 6 sept. 2012

Critique lue 777 fois

14 j'aime

Teklow13

Écrit par

Critique lue 777 fois

14

D'autres avis sur Killer Joe

Killer Joe
real_folk_blues
4

Poule et frite, mais 100 patates aussi.

Je revendique le droit de ne pas sucer le pilon frit de Friedkin. Merci de votre compréhension. Killer Joe, que tout le monde semble porter aux nus à grand renfort de notes et critiques...

le 4 mars 2013

76 j'aime

43

Killer Joe
Before-Sunrise
8

Killer Bill

Je n'avais vraiment pas envie de mettre 8 à ce film. Mais il m'y a forcé. C'est à cause de sa fin, Monsieur le Juge, j'vous jure ! Cette fin que certains qualifient de ridicule et indigeste, et dans...

le 30 nov. 2013

67 j'aime

1

Killer Joe
Kenshin
7

"Men like fat butts."

[Yep. Give me 30 minutes] Avec deux minutes de retard donc: Tu vois là j'écoute Walk de Pantera parce que ce morceau met grave la pêche, un peu comme ce film les jours de déprime. Je devais aller...

le 25 mars 2013

63 j'aime

19

Du même critique

Amour
Teklow13
8

Critique de Amour par Teklow13

Il y a l'amour qui nait, celui qui perdure, celui qui disparait, et puis il y a celui qui s'éteint, ou en tout cas qui s'évapore physiquement. Si certains cinéastes, Borzage, Hathaway, ont choisi de...

le 22 mai 2012

88 j'aime

11

Mud - Sur les rives du Mississippi
Teklow13
5

Critique de Mud - Sur les rives du Mississippi par Teklow13

J'aime le début du film, qui débute comme un conte initiatique. Nichols parvient à retranscrire d'une jolie façon le besoin d'aventure, de mystère, de secret que l'on peut ressentir durant l'enfance...

le 31 mai 2012

56 j'aime

4

Les Amants passagers
Teklow13
2

Critique de Les Amants passagers par Teklow13

Le film possède une dimension métaphorique et repose sur une image politique plutôt intéressante même si déjà rabattue, à savoir assimiler un avion à la société actuelle, en premier lieu la société...

le 26 mars 2013

55 j'aime

4