Après une petite tentative dans la comédie dramatique avec Les Associés en 2003, Ridley Scott a acquis suffisamment de renommée pour se faire approcher pour réaliser de grosses productions; Kingdom of Heaven, qu'il réalise en 2005, en est une. Je préfère prévenir dès maintenant à toute personne lisant cette critique que je n'ai visionné que la version Director's Cut, constitués de scènes rajoutées par Ridley Scott après sa sortie désastreuse au cinéma. Il est toutefois intéressant de noter le poids du réalisateur dans l'oeuvre cinématographique, lorsque l'on voit que le succès de la version Director's Cut contraste violemment avec la version cinéma, que l'on avait raccourcie justement, par souci de longueur.
Car ce qui s'apparente à un blockbuster de plus, focalisé sur les batailles au détriment d'une intrigue plausible, laisse place, avec cette version Director's Cut, certes à un film plus long et lent par moments, mais également à un approfondissement des personnages pas forcément habituel chez Scott pourtant, mais qui fait du bien au film, ainsi qu'à une intrigue bien plus enrichie. On passera sur la qualité exceptionnelle des plans de bataille du film, assez courants chez Scott pour être survolés, ainsi que sur la reconstitution de Jérusalem et des différents décors et costumes qui se succèdent dans le film.
Si je passe sur ces véritables caractéristiques des films de Scott qui sont de puissants points forts de ce film, c'est pour mieux focaliser sur l'évolution du réalisateur au cours de ces années 2000. En effet, même si ce n'est pas tout à fait la même époque, on ne peut s'empêcher de comparer Gladiator à Kingdom of Heaven, tant par son scénario que par les valeurs qu'il partage. Or, ce qui manquait principalement à Gladiator, c'était une vraie réflexion derrière le film, un vrai questionnement que l'intrigue autour de Commode et Maximus ne remplissait pas forcément. Ici, on voit que Scott a cherché à faire un film plus transcendé, que ce soit par des questions générales sur la religion que par des parallèles avec le conflit irakien d'alors (sans jamais tomber, toutefois, dans une prise de position, dépeignant même parfois des chrétiens peu reluisants). Scott s'intéresse d'ailleurs plus à l'usage que l'homme fait de la religion et à son impact sur la vie d'antan, plutôt qu'à la question de la religion elle-même. Cependant, on pourra dire que si Kingdom of Heaven est transcendé, il manque de transcendant: le charisme des personnages, la musique, l'aura de Gladiator ne sont jamais atteints dans ce film, tout en étant somme toute corrects. Orlando Bloom est en effet est un protagoniste plausible, et même si Eva Green est relativement peu convaincante dans l'un de ses premiers rôles, les personnages secondaires (Jeremy Irons, Edward Norton) sont très bons.
En conclusion, un film à voir, que l'on passe par la filmographie entière de Scott ou non; et l'un des meilleurs péplums de sa décennie.