1585. L'Espagne règne sans partage sur les mers et les terres du globe. La guerre est sur toutes les lèvres en Europe et Philippe II, rejeton Hasbourg, prépare l'invasion de l'Angleterre dont il fut roi consort avant le décès de sa femme Marie Ier. De sa main droite il réunit en secret son Invincible Armada et de sa main gauche envoie son ambassadeur Alvarez de Cordoba à Londres pour éteindre les éventuels soupçons déjà bien atténué par Lord Wolfingham, le chancelier de la reine Elizabeth à la solde de l'Espagne. Mais sur la route qui devait l'y conduire, lui et sa nièce Doña Maria, croise également l'Albatros, le vaisseau du Capitaine Geoffrey Thorpe. Pavillon espagnol sur le ma^t de perroquet, c'est donc pour la patrie et la prise qu'il s'empare du galion ibérique et des richesses de ses cales. Loyal sujet de la couronne et fidèle à la réputation de gentleman dont on affuble les britanniques, il consent toutefois à débarquer l'émissaire de Philippe II en Angleterre. Là-bas, avec l'appui de Wolfingham qui a déjà endormi et bordé la reine Elizabeth Ier, il vient plaider la cause des Hasbourgs et donner les gages de sa bonne foi pendant que dans l'ombre les galions espagnols se rassemblent. Tout cela n'échappe pas aux Aigles des Mers, les corsaires anglais, et notamment à Thorpe qui, faisant part de ses doutes à la reine, est autorisé à embarquer secrètement pour les Caraïbes afin d'intercepter un important convoi d'or en partance pour l'Escurial. Mais les murs du château de Windsor ont des yeux et des oreilles, et les corsaires britanniques, attendus de pied ferme par les tercios, sont condamnés par le tribunal de l'Inquisition à tirer les galions espagnols comme galériens jusqu'à ce que mort s'ensuive. Tout n'est pourtant pas joué pour Philippe II, qui a alors déjà plus d'un pied en Angleterre, car, à la faveur d'un transfert d'embarcations au large de Cadiz, Thorpe et ses hommes s'extraient du joug espagnol et gagnent leur patrie avec en poche des documents incriminant directement le roi d'Espagne, roi de Naples, roi de Sicile, roi du Portugal, ex roi consort d'Angleterre, duc de Milan, prince souverain des Pays-Bas, archiduc d'Autriche. L'Angleterre se prépare alors à la guerre et le film se termine.

Dix tout rond. The Sea Hawk marque la dixième et avant avant dernière collaboration (et une des plus importantes, entre un metteur en scène et son acteur de l'Histoire) entre Errol Flynn et Michael Curtiz, et leur plus belle réussite ensemble comme séparément (malgré que je préfère Les Aventures de Robin des Bois). Tous deux sont en effet, en cette année 1940, à l’apogée de leur carrière. Il restera bien 5 années de bons films à Flynn (ponctué par le grand Gentleman Jim du non moins grand Raoul Walsh) et le double à Curtiz (dont Casablanca mais surtout Mildred Pierce) mais jamais plus ils ne feront de films de cette envergure et de cette qualité. The Sea Hawk c'est la fête du film made in Errol Flynn, l'apothéose du film d'aventure. Pour l'occasion tous les habitués (pardon presque, Olivia n'est pas là) sont là : le fidèle Alan Hale en quartier-maître, Donald Crisp toujours en loyal sujet de la couronne ou encore Claude Rains qui complote une fois de plus contre le trône (c'est la troisième fois dans un film avec Errol Flynn après The Prince and the Pauper et The Adventures of Robin Hood). Le rôle de la belle n'est tenu par Olivia de Havilland, comme c'était le cas cinq ans auparavant dans Captain Blood, mais par une jeune actrice brune très jolie Brenda Marshall, future Madame Holden. Bette Davis, qui avait joué l'année précédente la reine Elizabeth dans The Private Lives of Elizabeth and Essex du même Curtiz, ne fut pas reconduite par Jack Warner, qui jugea sa demande de cachet bien trop élevé, et fut remplacée par son amie Flora Robson qui avait elle aussi déjà tenu ce rôle dans Fire Over England en 1937. La ressemblance physique est indéniable et s'explique par le simple fait qu'elle n'hésita pas à se grimer comme Miss Davies, sans aller toutefois aussi loin dans la surenchère (Davis s'était raser non seulement les sourcils, mais également une partie des cheveux).

Dans la peau de Sir Francis Drake (le personnage de Thorpe en est directement inspiré), Flynn a trouvé son meilleur rôle avec celui de Robin des Bois. Les points communs ne manquent d'ailleurs pas. Tout deux sont de loyaux sujets de la couronne britannique, tout deux sont parmi les derniers irréductibles à se battre en son nom et tout deux sont des amoureux transits. En somme, encore un personnage de Lancelot à la conduite dictée par Amour (amour de la patrie, amour de son amie) pour les épaule de Flynn. Il y a une chose frappante et récurrente dans ses films que je trouve génial. C'est qu'à l'inverse des films avec en vedette des acteurs de sa génération comme Grant, Gable, Cagney, Stewart ou Fonda, c'est systématiquement lui qui tombe amoureux en premier. Ou du moins toujours lui qui révèle ses sentiments en premier. C'est ce qui m'éclate avec Flynn. Le contraste qui peut exister entre la grande naïveté de son regard et de ses mots et son sourire narquois et plein d'assurance qui semble dire l'inverse. Un acteur d'exception et bien d'avantage.
Du reste le rythme et le panache de la mise en scène de Curtiz enlèvent tout sur leur passage et la richesse visuelle dont il fait preuve est remarquable, avec notamment un jeux sur les filtres (doré entre autres alors que le film est en noir et blanc, il n'a été colorisé qu'en 1991) et les ombres exceptionnel et directement inspiré par l’expressionnisme allemand. Le faste des décors (qu'on soit dans les salles de Windsor ou à bord de l'Albatros, bien plus convainquant que l'Arabella du Captain Blood), l’opulence des costumes, l'enlèvement de la musique et l'enthousiasme de l'ensemble du casting font du film le monument qu'il est. Ajouté à cela le sous-texte patriotique et politique du film, qui harangue littéralement les britanniques à tenir bon alors que la bataille d'Angleterre fait rage, on obtient un chef d’œuvre. Le Daily Express affirmera même à sa sortie que "Flynn sert la cause anglaise presque aussi bien que le Premier ministre britannique Winston Churchill". Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur... et un tonnerre d'applaudissement donc.
blig
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le 17 sept. 2014

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blig

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