Quel formidable univers !
Carpenter n'a plus à faire ses preuves chez moi : après "The Thing", "Invasion Los Angeles" & "New York 1997", c'est au tour de "L'Antre de la Folie" de m'en mettre plein les yeux. & il s'agit bien d'une oeuvre qui agrandit infiniment l'univers carpenterien : chacun de ses films sont si différents qu'on a parfois tendance à se demander où est la limite de son imagination..
Outre toutes les références lovecraftiennes qui paraissent évidentes & les quelques allusions à King, ce qui m'a frappé, c'est surtout l'infinie spirale cauchemardesque & inaliénable du Sam Neill atteint de schizophrénie. Je parle de spirale là où certains peuvent parler de boucle, le tout est de faire ressortir un point de non-retour, jusqu'à ce qu'on décide de passer à travers : dans "Lost Highway", le protagoniste mentalement malade était tourmenté par la complexité de sa relation "amoureuse" & de son meurtre passionnel ; dans "American Psycho", on ne sait pas qui est vraiment le narrateur & Bateman n'a l'air que d'un pion menant une vie censée être calme, mais les évènements rattrapent très vite ce dernier, qui finit par commettre des meurtres en série pour essayer de se sortir de la spirale de son ennui éternel. Dans "L'Antre de la Folie", Trent lutte sans cesse contre ces chimères n'existant pas à ses yeux. Mais lorsqu'il finit par y céder, elles s'emparent du monde entier (son monde ?) & l'imagination fictionnelle des gens prend une place prépondérante dans la réalité. Le monde sombre alors dans un chaos effroyable, une apocalypse menée par les hommes eux-mêmes, ayant enfreint les règles imposées par la chrétienté & dépassé les limites qu'ils ne pensaient même pas pouvoir franchir.
Les mises en abyme dont est victime Sam Neill dans ses rêves montrent l'impact destructeur que peut avoir l'imagination d'un simple être humain sur une réalité que son cerveau décide de créer. Sans chercher à m'avancer sur des explications à propos de la ville de Hobb's End ou de la pertinence des créatures, je préfère nettement affirmer que la folie est seule responsable du fléau. La démence collective, pour être plus précis : telle un virus, elle s'abat sur une population vulnérable, dans le but premier de la propagation d'une doctrine (non ici, ce n'est pas la "Bible"). Si la fin du monde est proche, c'est que la psychose est là ; c'est que la schizophrénie est présente dans une seule réalité alors que chacun vit les siennes. L'alternance entre les réalités de Trent & la vraie réalité paraissent évidentes au départ, mais dès la fin, au cinéma, on se met à devenir soi-même fou, ne sachant plus discerner quelle est la réalité collective..
Le film étant parfaitement mis en scène (agencement des couleurs, des lumières, des différents plans, etc.), Carpenter réussit le pari de l'effroi par la mégalomanie latente : il retranscrit l'indicible grâce à une ambiance particulièrement dérangeante & alterne entre les simples échanges d'un dialogue dont le bon fondement semble parfois s'émietter, un tableau changeant sans cesse, des bruits inquiétants au fond d'une cave ou d'un trou dont l'obscurité est incroyablement profonde, ou encore des rumeurs tout simplement.
Tout est finement mené, & on a pourtant ce léger regret à la fin du film de ne pas pouvoir errer plus longtemps dans le monde post-apocalyptique amorcé par Big John.
Petite perle du cinéma d'épouvante, cette oeuvre siège en haut de la liste carpenterienne tant sa subjectivité est effrayante.
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