Il est des films unanimement reconnus comme révolutionnant le 7ème art, des films qui font que le cinéma ne sera plus jamais le même. Jusqu'ici, j'avais la chance d'en avoir vu un (oui oui un seul!), considéré souvent comme le meilleur film de tout les temps temps, adulé par la critique (ce qui chez moi n'est en rien un gage de qualité d'ailleurs...). Il s'agit de Citizen Kane. Et bien désormais ce film se sent un peu moins seul! Grâce à qui? Grâce à "L' aurore"....

Sous la "pression" amicale, mais pression tout de même (^^) de certaines personnes qui se reconnaîtront, je vais tenter de dire pourquoi ce film m'a mis une bonne grosse claque. Je m'attendais bien, vu comment le film m'avait été superbement vanté, à quelque chose d'excellent mais pas à ce point!

Tout d'abord, "L'aurore" représente la quintessence de ce que doit être le cinéma. Tout y est, drame, romantisme, comédie, aventure, tragédie, performance d'acteur, scène de danse.....le tout en seulement 1h30! Et plus que la manière de filmer ou que tout autre discours sur l'aspect technique (dont je me fous un peu car avant tout pour moi le cinéma c'est raconter une histoire et faire passer des émotions, après, les moyens utilisés même si ce n'est pas neutre.....), c'est le fait que je sois rentré complètement dans le film pour ne plus en sortir avant la scène finale. Et le sourire béat qui est resté sur mes lèvres quelques temps après....(me donnant sans doute un air un peu con).

Pourtant, rien d'extraordinaire dans cette histoire universelle (tellement universelle que l'on ne sait pas où ça se passe, les personnages n'ayant même pas de nom) d'un homme qui doit lutter contre ses pulsions. Un homme qui doit choisir entre l'amour (sa femme) et le désir (sa maîtresse). Tout ici est construit sur cette opposition (campagne et ville, jour et nuit, douceur et brutalité). Somme toute une histoire banale (sans forcément aller systématiquement jusqu'au meutre). Banal, oui, mais....

Mais les deux acteurs sont merveilleux. J'ai été un peu sceptique lors des premières 15 mn où je trouvai que l'homme en faisait bien trop (je sais, je sais expressionnisme allemand....) puis son jeu s'affine et il devient fascinant de le voir passer de monstre bestial, les yeux cernés, le dos voûté lors de la tentative de meurtre au mec classe et tendre tentant de reconquérir sa belle (même si on sent qu'il faut pas trop le chercher et qu'il peut exploser à toute contrariété). Elle, possède l'un des visages les plus doux qu'il m'ait été donné de voir. Il s'en dégage une certaine naïveté (qu'en d'autres situations j'aurais trouvé un peu cul cul mais bizarrement pas là) et je trouve sa résignation du début (quand elle voit son homme partir avec la vamp) très touchante.

Mais j'ai souris durant ce film! Il peut être utile de préciser que sourire chez moi veut dire rigoler chez beaucoup d' autres. Je m'attendais à un film bien plombant de bout en bout et bien non! Il y a un aspect comédie inattendu pour moi et magistralement réussi (la scène du barbier, la scène du cochon, la scène de danse....) qui m'a agréablement surpris. Tout l'aspect "reconquête" m'a mis dans une bonne humeur étonnante. Sans doute également le fait que l'amour y soit montré plus comme une histoire de complicité qu'autre chose. Les voir se comporter comme des enfants lors de la fête foraine est rafraîchissant, je trouve. Oui, l'amour peut rendre un peu bébête parfois.....et un dîner aux chandelles dans un grand restaurant avec plein de belles phrases et de grands discours n'est pas forcément plus romantique qu'une simple journée passée à s'amuser à deux....

Mais ce n'est pas qu'une histoire d'amour banale. C'est aussi l'histoire d'un homme qui a été jusqu'à atteindre les aspects les plus sombres de son âme (penser à tuer sa femme) pour un bref moment de plaisir artificiel avec la vamp. Lui à la chance d'en prendre conscience à l'ultime moment et le reste ne sera que tentative de rédemption. Il se dégage de chez Murnau un certain cynisme sur le genre humain qui, si il ne se voit pas forcément au premier abord, se trouve tout de même insidieusement présent. Et je ne parle pas de la cruelle ironie de la dernière partie où finalement l'homme se retrouve dans la situation qu'il avait réussi à éviter.

Mais j'ai été hypnotisé par certains plans! Je me rappelle ce que j'ai dit plus haut par rapport à la technique, mais là, force est de constater que si l'émotion provient du jeu des acteurs elle est également magnifiée par le talent de Murnau et sa mise en scène. Certains plans sont de véritables tableaux dont ressort une certaine tragédie étouffante (n'y connaissant malheureusement rien en peinture, je ne pousserai pas plus loin l'analyse...). Et puis certaines scènes sont pour l'époque plus que bluffantes. Il a facile 30 ou 40 ans d'avance le bonhomme, c'est remarquable. Ma préférée: celle du baiser au milieu des voitures. Mais d'autres sont superbes (lorsque la vamp apparaît derrière l'homme tel un mauvais esprit, la scène du naufrage....).

Alors voilà les principales raisons qui font que j'ai adoré "L'aurore" (il y en a d'autres, mais c'est déjà bien assez long comme ça!). Mais on peut tout de même trouver quelques défauts à ce film, oui oui...
Ainsi, Murnau fait preuve d'un manichéisme un peu caricatural et simple. Par exemple représenter le bien par la blondeur, faire que toutes les femmes de la ville soient faîtes sur le même modèle que la vamp (que ce soit la serveuse ou l'esthéticienne, ce sont des sosies), de même qu'il est facile de faire de la ville et de tout ce qui en provient le mal....Et puis la rédemption est tout de même bien rapide. Vous pardonneriez, vous, en une après midi, quelqu'un qui a été à deux doigts de vous tuer? D'un autre côté, si j'ai toujours pensé que de l'amour à la haine il y a un pas malheureusement franchissable, j'avais jamais envisagé qu'il pouvait ensuite y avoir un retour de l'amour, donc....

Mais bon, je balaie tout ça d'un simple revers de la main tellement ce film qui fait passer des larmes aux rires m'a transporté.

Je terminerai (oui, enfin...) par remercier principalement Aurea et BlueMoon mais aussi tout ceux qui sont intervenus d'une façon ou d'une autre sur ce film, pour me l'avoir fait découvrir, moi qui n'en avait jamais entendu parler (et oui, j'ai de sacrées lacunes cinématographiques moi, mais je me soigne....).

Créée

le 7 avr. 2013

Modifiée

le 7 avr. 2013

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Kowalski

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