Épisode V
L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE


Le temps du péril a commencé
pour la rébellion. Malgré la
destruction de l'étoile de la
Mort, l'Armée impériale a
chassé les Rebelles de leur
base cachée et les poursuit
à travers la galaxie.


Après avoir échappé à
la redoutable escadrille
cosmique de l'Empire, un
groupe de résistants mené
par Luke Skywalker a établi
une nouvelle base secrète
sur Hoth, la lointaine planète
des glaces.


Dark Vador, le maléfique,
hanté par l'idée de retrouver
le jeune Luke, lance des
milliers de sondes téléguidées
aux confins de l'espace....


Si c'est bien à l’Épisode IV que revient l'honneur de la naissance du mythe, c'est en revanche à sa suite, L'Empire contre-attaque, que la saga de George Lucas doit son assise dans l'Histoire du cinéma. Plus puissant, plus sombre et plus mature, ce cinquième chapitre des contes et légendes de la Galaxie, qu'on pourrait renommer «Vie et mort d'Anakin Skywalker» ou encore «Histoire d'un aller-retour dans la Force», ne manquera pas d'entrer par la même occasion au panthéon du septième art. Comme pour chacun des films de la trilogie originale depuis la sortie de la prélogie, ce n'est plus une, mais deux critiques qu'il faudrait écrire à l'issue de leur visionnage respectif : la première pour louer leurs qualités intrinsèques, la seconde pour vanter les mérites de leur toile de fond. Les forces et les faiblesses de chaque volet de la saga étant maintenant bel et bien établies par l'opinion (qui, notons-le, est très souvent à côté de la plaque, et parfois malhonnête, quand il s'agit de défendre la prélogie), je me conterais, comme je l'ai toujours fait jusqu'ici, de rendre hommage à la saga dans son ensemble. Ainsi, après les considérations d'ordre théoriques, techniques, et il faut bien le dire, digressives de la dernière fois, je vais maintenant m'intéresser à ce qui fait concrètement de Star Wars un mythe, c'est à dire une arme de destruction massive capable de bouleverser tout un imaginaire collectif et d'emporter tout une partie monde dans un souffle.


De quoi rêvait l'homme avant l'avènement de Star Wars? En prise directe avec son époque et les mythes égocentriques qu'il s'était créé, l'homme du XXe siècle rêva d'une manière indubitablement différente après la sortie de la saga de George Lucas à la fin des années soixante-dix. Ainsi, là où il se gargarisait de mondes imaginaires qu'il finissait toujours par nettoyer de ses créatures maléfiques (dragons, gobelins, vampires, orcs), ou de récits de science-fiction dans lesquels il ne quittait le confort de la Terre pour les confins de l'univers que pour y revenir plus convaincue que jamais de la place centrale qu'il y tiendrait pour l'éternité (l'Homme n'étant en définitive que son plus grand commun diviseur), il devenait en cet an de grâce 1977, un simple spectateur de la marche du temps et de l'espace. C'est de cet ethnocentrisme géo-centré et prétentieux des premiers mythes contemporains (dont faisait parti Star Trek qui, bien que pionnière sur les ondes hertziennes dès les années soixante, ne voyait hélas dans l'humanité futuriste que les explorateurs-dompteurs de l'univers) que Star Wars nous libéra héroïquement, lorsque sortit dans les salles du monde entier La Guerre des Étoilés, première pierre d'un empire qui allait bouleverser à jamais le paysage cinématographique. C'est ainsi que l'Homme, qui régnait jusqu'à présent en maître sur un univers dont il craignait l'immensité et méprisait la futilité et dans lequel il s'enorgueillissait de la place prépondérante, se retrouva plongé «il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine» dans un océan d'incertitudes peuplé de créatures inédites, de planètes inconnues, de langages occultes et de légendes étrangères. L'Homme n'occupait plus le centre de l'univers mais en devenait au contraire une partie anonyme. Fallait-il y déceler pour autant une rétrogradation punitive au sein la création? Je ne crois pas. Pas plus qu'il ne fallait y chercher alors un châtiment ou une condamnation au malheur. Au contraire même, n'y aurait-il pas dans cette perte de toute responsabilité, cette dégringolade des sommets, un accès plus simple, plus direct à la liberté et donc à soi-même? Se voir ainsi débarrasser du poids de la morale, du fardeau de la loi et du faix de la foi n'ouvrerait-il pas vers de nouveaux horizons plus propices au bonheur? Les mythes du Far West et de la piraterie ne prêchent rien d'autre. C'est d'ailleurs dans cette voie que semble s'être engagé Han Solo dans un premier temps. Après tout, n'a-t-il pas lui aussi profité du chaos ambiant pour faire fortune et mener une vie dédiée aux plaisirs? La Galaxie, comme les océans et l'Ouest de l'époque, étant trop vaste, trop varié et trop sauvage pour être dompté, n'échapperait-il pas en conséquence à la justice des dieux et des hommes (comprendre de la faunes de Star Wars)? La Galaxie serait-elle alors une promesse d'un retour définitif à la Nature et d'une fuite de la morale dans les pulsions (du Surmoi dans le Ça)? Ou au contraire la superbe promesse d'une ultime rédemption? «A l'heure du choix, chacun est libre».


Huit gigantesques lettres jaunes s'évanouissent dans l'horizon alors qu'autant de notes déchirent le silence des espaces infinis. Il n'en fallut guère plus pour faire de Star Wars, un mythe, une évidence. Que la lumière soit, et le sabre laser fut. Quelques minutes plus tard, c'est une marche funèbre évoquant Chopin et une respiration artificielle rappelant les dernières expirations d'un mourant qui résonnent dans l'espace. Depuis dix-neuf ans elles précèdent l'agonie d'une ombre. Nous sommes au-dessus d'une planète bien connue et deux robots pas moins connus, quittent le vaisseau diplomatique de la princesse Leia pour y apporter à un ancien général de la République, le message qu'elle leur a confié. Nous ne sommes qu'au début de l'épisode IV et déjà le mythe pourrait prendre fin. Luke, Leia, Anakin, Obi-Wan, C3PO et R2-D2 sont tous réunis au même endroit, à la surface de Tatooine ou dans son ciel. Ils sont tous là mais s'ignorent encore alors qu'ils n'auront de cesse après ça de se chercher dans l'univers. La Force n'a jamais été aussi concentrée qu'en cet instant et ne le sera d'ailleurs jamais plus dans la saga. Les liens qui unissent tous ses personnages sont trop forts pour être ignorés. C3PO loue le Concepteur après une remise à neuf sans savoir qu'il vient juste de le quitter. R2-D2 qui fut le fidèle compagnon d'Anakin dès ses neuf ans se met tout à fait consciemment, au service de son fils. Idem pour celui qui initia l’Élu et qui donne maintenant son apprentissage au fruit de son amour pour Padmé. La filiation est partout, omniprésente. Elle se cristallise évidemment dans les similitudes entre le père et le fils qui, au regard du destin du premier, laisse craindre le pire quant au destin second.


Si La Guerre des Étoiles brille par sa légèreté, son insouciance et la naïveté contagieuse de ses protagonistes qui entrent et sortent de la guerre comme on le ferait d'une partie d'échec ennuyeuse, et figure bien en cela le côte Lumineux de la Force, L'Empire contre-attaque se démarque lui par sa densité, sa noirceur et son profond ancrage aux ténèbres, et représente ainsi dignement l'attraction du côté Obscur. La Guerre des Étoiles serait donc le film des Jedi et L'Empire contre-attaque, consolidant le mythe et mettant à mal le côté Lumineux, le film des Sith, la réunion des deux (Le Retour du Jedi) symbolisant alors le rétablissement de l'Équilibre dans la Force. Une dichotomie de ton que résume finalement bien maître Yoda quand il dit du côté Obscur (donc de cet épisode V) qu'il est «plus rapide, plus facile et plus séduisant». Plus rapide, car d'avantage encore que dans les autres films, le rythme ne souffre d'aucun temps mort, montant même crescendo depuis la bataille de Hoth jusqu'à l'affrontement final. Plus facile, car de par la perfection absolue de sa mise en scène, le film jouit de l'aura des grands chef-d’œuvre dont l'apparente évidence trahit en réalité une réflexion permanente. Plus séduisant enfin, car la somme de ces qualités conjuguée à la force colossale qui en émane, ne saurait objectivement nous le faire préférer à aucun autre. Circonscrire cette réplique de Yoda à cette simple succession de superlatifs sans en donner la fin, serait en toutefois malhonnête et ne saurait rendre totalement compte de la portée de sa pensée : «mais plus fort, le côté Obscur n'est pas». Ainsi, si on resitue ce syllogisme caché, qu'on pourrait presque prêter à Nietzsche, dans le contexte de la saga, on arriverait à la conclusion que L'Empire contre-attaque, plus rapide, facile et séduisant qu'il est, n'occulte en aucun cas le reste de la saga. Car tout comme le côté Obscur a besoin de l'ombre du côté Lumineux pour se cacher ou que le Mal nécessite la Morale du Bien pour exister, L'Empire contre-attaque n'aurait su monter si haut, s'il n'était monté sur les épaules de ses frères géants : si Star Wars est la plus grande saga de l'Histoire du Cinéma, L'Empire contre-attaque est son étendard.

blig
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le 15 déc. 2015

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blig

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