J'ai toujours aimé les récits d'apprentissage, ou pour utiliser une sémantique cinéphilique, les coming of age movies. Nécessairement, il y a là un mécanisme d'identification qui marche à plein tube faisant fondre mon petit cœur sensible et qui pourrait me pousser à invoquer la maxime flaubertienne : "Madame Bovary, c'est moi !"... Mais au-delà de cette proximité affective évidente, il y a, dans ces histoires d'adolescents découvrant, les yeux écarquillés par la terreur et la fascination, les délices et les cruautés de l'âge adulte, une forme de pureté de cœur des personnages qui me bouleversera me semble-t-il toujours.

Ici, c'est dans le monde du travail que notre jeune premier est amené à faire son apprentissage de la vie, microcosme aux codes étranges et à la faune plus mystérieuse et impénétrable encore, et sur lesquels le metteur en scène (et par extension, son personnage principal) porte un regard amusé mais non dénué d'émerveillement. Optant pour une approche assez naturaliste et Nouvelle Vague, Olmi fait preuve d'une extrême sensibilité et d'une compréhension profonde de cet âge intermédiaire, en faisant de son héros ce que tout jeune homme de cet âge est, à savoir un observateur terrifié et curieux d'un monde dont il a encore à connaître et maîtriser les usages.

C'est cette traversée vers l'autre rive, ce mouvement d'ouverture au monde et de renoncement au repli sur soi-même, propre à l'adolescence, qu'Olmi capte avec une grande acuité du regard et un talent certain dans la mise en scène. Preuve en est cette magnifique séquence de bal où, enfin, l'enfant se résout à opérer sa mue et à s'inscrire dans le monde en rentrant littéralement dans la danse, et ainsi à être homme parmi les hommes. Mais, comme le suggère le déchirant plan final, à se résigner à n'être également que chose parmi les choses.

Un très grand petit film.
Garrincha
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 29 mai 2012

Critique lue 518 fois

11 j'aime

1 commentaire

Garrincha

Écrit par

Critique lue 518 fois

11
1

D'autres avis sur L'Emploi

L'Emploi
Morrinson
7

"L'avenir vous semble-t-il sans espoir ? Buvez-vous souvent pour oublier vos problèmes ?"

Dans le cadre de cette époque du cinéma italien, on peut se lancer dans L'Emploi en croyant avoir affaire à une forme de néoréalisme plus ou moins classique. Si la toute première partie peut donner...

le 1 mars 2019

6 j'aime

L'Emploi
Reymisteriod2
8

Critique de L'Emploi par Reymisteriod2

Un film tout bonnement extraordinaire ! Extraordinaire, et bouleversant. Sorti en 1961, soit un an avant l'Eclipse, Il Posto m'a beaucoup rappelé le film d'Antonioni, dans sa forme principalement ;...

le 1 mars 2016

3 j'aime

2

L'Emploi
Marlon_B
7

Drôle d’objet hétéroclite

Drôle d’objet hétéroclite, bizarre un peu comme un Lynch style Eraser Head ou Inland Empire, absurde parfois comme le théâtre de Ionesco ou Beckett ou les récits de Kafka, beau à certains endroits...

le 20 sept. 2021

1 j'aime

Du même critique

Blissfully Yours
Garrincha
10

Etre vivant

Figure de proue de la modernité cinématographique depuis ses débuts dans les années 2000, le réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul a développé au fil des ses films une œuvre invoquant les...

le 20 janv. 2015

34 j'aime

1

Avengers
Garrincha
3

Critique de Avengers par Garrincha

C'est une histoire vieille comme le cinéma : les gentils luttent, les gentils mettent un genou à terre, les gentils saignent, mais les gentils ne renoncent jamais et ouf!, in fine, les gentils...

le 1 mai 2012

32 j'aime

5

Histoire d'une prostituée
Garrincha
8

Critique de Histoire d'une prostituée par Garrincha

On le sait depuis l'Iliade et Hélène la gourgandine, Eros et Thanatos sont, en temps de guerre, copains comme cochons. Et a priori, c'était pas cette histoire d'amour assez banale entre une femme de...

le 29 mai 2012

22 j'aime

3