L'Enfant par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Dans un quartier "difficile" de Seraing en Belgique, Bruno qui vient d'avoir vingt ans erre dans les rues, chaparde, gère ses petits trafics et fréquente Sonia, dix-huit ans, avec laquelle il vient tout juste d'avoir un bébé. Le nouveau-né et Sonia ont bien peu d'importance pour ce jeune homme plus avide de compter ses billets de banque que de remplir son devoir de père. De son côté, Sonia supporte la situation comme elle peut, bref, elle élève seule son bébé, loge et nourrit son copain avec ses modestes allocations. Le jeune homme devient boulimique de coups tordus mais un beau jour, il commet une faute sordide qui va bouleverser la vie de ce couple improbable et surtout celle de Bruno. Retiendra t-il la leçon ?


Jean-Pierre et Luc Dardenne poursuivent leur observation sur des problèmes actuels de société. Cette fois ils nous font découvrir une jeunesse déstructurée, une jeunesse sans but précis tentant de survivre par tous les moyens notamment les plus vils et les plus risqués, à l'image de Bruno qui s'est forgé une carapace de petit malfrat dans un quartier morose. Ce garçon a grandi, comme beaucoup d'autres, sans soutiens, sans repère, vivant au jour le jour sans aucun projet d'avenir. Son but ? Exploiter sa compagne Sonia qui elle aussi tente de survivre seule avec un bébé. Cette naissance va calmer l'insouciance de la maman mais pas celle de Bruno pour lequel tout est bon pour récolter des liasses de billets qu'il dépense ensuite bêtement. Allant jusqu'à recruter ses complices parmi des enfants désœuvrés galérant eux-aussi à longueur de journée, le jeune homme va apprendre bien malgré lui que les seuils les plus hauts dans l'escroquerie ne sont pas aussi faciles à aborder que ses magouilles habituelles. En dehors des réalités, inconscient de la gravité de certains délits inavouables, rien de plus normal alors de tomber dans certains pièges. Ne vivant que pour lui, il oublie que la gentille petite Sonia qui fermait les yeux sur beaucoup de choses et se contentait de vivre au rythme des incivilités de son compagnon est devenue maman. Pour Bruno, la vie avec cette "gamine" devenue femme brutalement met fin à cette "complicité" qui les liait après avoir marqué d'une cicatrice irréparable la vie de Sonia. Les choses devenant trop sérieuse le délinquant va finir par se brûler. Cette brûlure peut-elle être assez forte afin de lui injecter l'équilibre dont il a tant besoin et le réadapter à la société ?


C'est donc un sujet maintes fois traité à l'écran qui est abordé de façon assez crédible d'autant que notre société est en partie constituée de ces cas. Et il faut l'avouer, rien n'est réalisé pour améliorer ce mal qui ronge de plus en plus les personnes fragilisées malgré les grandes déclarations pompeuses, prometteuses de nos gouvernants.
Cela dit, en voyant ce film, j'ai l'impression que Jean-Pierre et Luc Dardenne se sont contentés de nous filmer une fiction sur l'un des problèmes récurrents actuels sans pour autant apporter une touche personnelle de prise de position. Ils se bornent à poser un constat au travers de cette histoire un peu sordide. Est-ce une manière de faire prendre conscience au public de la situation précaire de certains jeunes ? Peut-être, mais je dois avouer que le film manque d'envergure pour atteindre cet objectif même si la scène finale est de toute beauté et émouvante, laissant dans l'expectative le devenir du couple et de l'enfant.
C'est donc à mon avis un film bien moyen et sans grand génie que nous livrent les deux cinéastes malgré les très bonnes prestations de Jérémie Renier et Déborah François qui crèvent l'écran grâce à leur crédibilité dans les rôles de Bruno et de Sonia.


Reste que ce film a tout de même obtenu une "Palme d'or" au Festival de Cannes et là, je m'en étonne un peu. J'en arrive à me poser la question: cette récompense n'avait-elle d'autre but que de primer une œuvre traitant d'un problème qui dérange? Manière là aussi, de se donner bonne conscience vis à vis du public et des autorités, qui sait...


Ce film a obtenu :



  • "Palme d'or" au Festival de Cannes 2005.

  • Joseph Plateau Awards 2005 : Meilleur film, Meilleur réalisateur belge, Meilleur scénario, Meilleur acteur Jérémie Renier, Meilleure actrice Déborah François.

  • Prix André-Cavens de l’Union de la critique de cinéma (UCC) pour le meilleur film belge 2005.

Créée

le 11 janv. 2016

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