Paranorman, ou "L'étrange pouvoir de Norman" c'est ce genre de dessin animé qui plait (ou pas) grâce à son graphisme de pâte à modelée, très fluide, assez simple au final, très normale pour ce genre de médium, et qui privilégie la souplesse des mouvements. Américain, revendiqué d'après l'héritage de la Série Z, le film joue de ses codes et de son humour pour atteindre le public, lui rajoutant une bonne dose de références enfantines. A titre personnel, le cocktail a bien pris, j'ai passé un agréable moment et je recommande le film, autant pour les jeunes que les moins jeunes. En effet, un public adulte aura accès à toute une gamme de blagues potaches au deuxième degré, dont un bel exemple est la réplique que la fliquette adresse à une mamie: "MAIS CA NE VA PAS DE TIRER SUR LES CIVILS SANS DEFENSE?! C'EST LE BOULOT DE LA POLICE, CA!", une vision douce-amère du monde de l'adulte lucide, qui fait ses deuils et tente d'aiguiller ses enfants dans l'existence, en oubliant de les écouter et de les comprendre.
J'ai lu que beaucoup le jugent trop moraliste, et c'est principalement ça qui m'a donné envie de rédiger une critique construite. On va commencer par le scénar. Je ne trouve pas que ce soit un dessin animé moral, au contraire, je le trouve extrêmement noir dans ces conclusions. Bon, OK, ce n'est pas un film effrayant, et la théâtralisation de la quête la rendrait bancale aux yeux de n'importe quel adulte: mais qu'en est-il de la vraie question?
Paranorman, c'est avant tout l'histoire d'un rejet systématique de ce qui est différent de soi, rejet qui est légitimé par tous. Norman en est la victime, de par son super pouvoir, mais son caractère s'inscrit totalement dans la même ligne que celle des autres. Il ne veut pas d'amis, surtout pas d'un petit roux obèse et niais, il ne veut pas connaître la fille-brillante, juste lui soutirer des informations et l'utiliser quand il en a besoin, il ne remercie jamais personne pour l'aide qui lui est apportée. Norman, en cela, est exactement comme les autres.
Et quoi? Ben, d'une certaine façon, il corrompt de base la "morale" que les autres prétendent trouver à la fin. La sorcière est son portrait craché, empiré par le ressentiment, c'est avant-tout lui-même qu'il essaye de convenir qu'elle peut changer et être quelqu'un de bien, pas elle. Elle, c'est une véritable victime, qui cherche à se venger post-mortem de ses bourreaux. Mais les bourreaux? Ils ne sont pas venus dans l'espoir de lui parler, d'implorer son pardon. Ils se relèvent de leur tombe pour envoyer un intermédiaire causer en leur faveur, ou pire, endormir la gamine pour une année de plus de repos tranquille. "Dans la mort ils sont perdus", comme le dit le juge, mais pas à cause du remord d'avoir brûlé une petite fille, de s'être laissés aller à la peur. Juste parce qu'ils continuent de la craindre dans la tombe. Et lorsqu'elle est apaisée, que se passe-t-il? Sans concerter quiconque, tout le monde disparaît. La paix est retrouvée, puis que la petite fille a fini sa colère. Mais fondamentalement, rien ne change.
C'est ça qui fait partie de la logique du film effrayant et qui fait une partie de la force du récit, à mon sens. Rien n'a changé, si ce n'est que certains vont croire le gamin et ne pas le prendre pour un fou, mais le travail sur la peur et l'acceptation de l'autre n'a pas du tout été effectué. Les déclarations sont creuses, on comprend que Norman sera toujours un asocial outsider fan de zombie, mais content de lui, parce qu'il aura fait quelque chose de bien. S'il y en a qui estiment ça gnangnan...
Pour le reste, parce que du coup ma critique prend une tournure très négative, il y a réellement un intérêt à regarder ce film. Certaines scènes sont très émouvantes, l'entrée dans l'histoire est magistralement réalisée, la critique du modèle cliché américain est très présente et très tendre à la fois. Il y a aussi énormément de désinvolture et de naturel dans la manière dont sont abordés les thèmes secondaires, les différentes différences des personnages. L'animation des fantômes m'a énormément plue, même si j'aurais aimé qu'ils soient plus présents. Quant à la bande-son ou au rythme global du film, ils sont bons sans être exceptionnels. Les tout-petit trouveront leur compte d'humour dans les feintes les plus graphiques, et certains adultes aussi, j'en suis sûre.
Bref, ce n'est pas "un bijou", pas pour moi, mais l'occasion de se laisser emporter par les aventures rocambolesques d'un petit garçon, hanté et sans prétention, qui vaut bien qu'on attarde une heure de notre temps sur son cas, tout en contre pied, à condition que ce soit le sourire au lèvres, et avec une âme d'enfant. Mention spéciale au réveil matin.