Film assez étonnant réalisé par le maître Fleischer. On y distingue deux parties totalement différentes, que tout oppose... concept formel rejoignant le fond, plus particulièrement la schizophrénie du tueur.


La première moitié du film s'attaque à une reconstitution minutieuse de l'enquête, parsemée ici et là d'anecdotes assez sympas. La distance est grande, il n'y a pas vraiment de héros, pas vraiment d'émotions, ça ressemble à du reportage. Ce qui scotche le spectateur à son fauteuil, dans cette partie, c'est le montage époustouflant avec une utilisation du split screen comme on n'oserait plus en faire aujourd'hui. Au travers de cet outil, le réalisateur trouve un nouveau langage, qui permet même de faire la transition avec la seconde partie, à savoir, l'identification du tueur (et oui sans tous ces split screen lors des meurtres, celui autour de Tony Curtis n'aurait aucun sens).


La deuxième partie c'est le moment où l'empathie prend le relais, mais, chose surprenante, pas auprès d'un 'gentil'. Ça choque. Si le réalisateur avait commencé dès le début du côté du tueur, nous n'aurions pas compris à quel point il s'agit d'un 'méchant' et l'impact aurait été amoindri; Fleischer joue donc (consciemment ou pas) avec le besoin d'identification du spectateur, et quand enfin il daigne donner un vrai protagoniste dans lequel épancher toute son empathie, c'est celui d'un homme qui nous a été dépeint jusque là comme un véritable monstre! Bref, si la première partie mettait mal à l'aise par sa distance, la seconde amplifie ce sentiment d'horreur en priant le spectateur de s'identifier à ce qu'il y a de pire au monde. Merci Richard!


Il y a tout de même une scène étrange où l'on peut voir le personnage d'Henry Fonda remettre en question sa fonction. Cette scène n'est pas anodine. Ce flic qui soudainement ne se sent plus à sa place, fait écho à la position du tueur; le réalisateur prend ici un malin plaisir à rapprocher deux hommes que la loi oppose.


Enfin outre le génie de la mise en scène (comprenant le montage, la composition, le scénario), Tony Curtis délivre ici une interprétation transcendante! C'set surtout au travers de la scène finale que toute l'étendue de son jeu peut éclater: on y trouve des tremblements, des larmes discrètes, des veines qui gonflent, un regard qui se perd au loin... de quoi faire frissonner le pauvre spectateur qui sera décidément éprouvé jusqu'au bout du film.


Bref, ce film est un 'must see', malgré un début assez froid, on tombe dans cet enfer, on y suffoque, et on en ressort plus vivant que jamais. Merci encore Richard de malmener ton auditoire, de ne pas nous laisser désactiver nos neurones pendant la vision.

Fatpooper
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le 22 déc. 2011

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Fatpooper

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