L'Homme à la caméra n'est rien de moins que l'un des films les plus importants de l'Histoire du Cinéma, un véritable chef d'oeuvre de poésie et de modernité ! Il est assez frappant de constater l'influence de ce monument sur tout un pan de la production cinématographique mondiale, notamment expérimentale ( Godfrey Reggio semble avoir énormément pris et appris de la grammaire de Dziga Vertov pour sa trilogie des Qatsi ; le superbe Decasia de Bill Morrison reprend quant à lui énormément du langage filmique dudit chef d'oeuvre ).


En à peine 70 minutes de métrage Dziga Vertov ré-invente pratiquement tout du Cinéma. En bon cinéaste-révolutionnaire il soustrait tous les artifices hérités du théâtre et de la littérature pour ne conserver que l'essence du Septième Art : l'image, le temps et le mouvement intrinsèques au montage cinématographique. Vertov réalise donc en 1929 un film d'une charge novatrice sans précédent : sans scénario, sans personnages véritablement définis, sans décors et sans intertitres. Expérience visuelle particulièrement grisante et passionnante ce film-manifeste manipule le temps et ses divers espaces au gré d'un rythme à la fois limpide et très dynamique. Le montage tient incontestablement de l'exploit : incrustations, split-screens, surimpressions ( pour ce qui est du montage au coeur du plan ), parallélismes, échos, attractions, divisions ( lorsque le montage opère entre les plans )...


Contemporain de Sergueï Eisenstein Dziga Vertov demeure tout aussi génial et prestigieux que l'auteur du Cuirassé Potemkine : il crée avec L'Homme à la caméra un récit essentiellement construit autour de l'articulation des images. En explorant l'activité d'une grande ville soviétique et le quotidien du peuple russe, en multipliant les échelles de plan pour mieux les rapprocher, les confronter ou les dissocier, en mettant en abyme sa propre technique, les moyens de son opérateur et des systèmes de projection Vertov livre un trip saisissant, fatalement voué à l'exégèse et à l'analyse filmique. Un monstre de Cinéma à voir impérativement !

stebbins
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le 18 août 2016

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