Attention, il ne s'agit pas là d'une véritable critique mais plutôt d'une analyse de l'oeuvre de Fritz Lang.
Elle contient donc des révélations sur le film, je vous déconseillerai donc de la lire avant d'avoir vu L' invraisemblable vérité.



« L'invraisemblable vérité » de Fritz Lang



Avec « L'invraisemblable vérité », dernier film de sa carrière américaine, Fritz Lang traite ici une fois encore de la culpabilité de l'homme mais de manière assez différente cette fois-ci, car ici, le présumé coupable, grâce à une mise en scène monté de toute pièce, est en réalité le vrai coupable.
Ce faisant, il prend à contre pied le spectateur ainsi que la critique, ce qui provoqua aux États-Unis un échec commercial du film ainsi que son retour en Allemagne.


En France, lors de sa sortie en 1957, il fut rapidement défendu par la critique. On retiendra notamment la critique élogieuse de Jacques Rivette aux cahiers du cinéma :



« […] Il est peut-être vain de vouloir opposer ce dernier film de Fritz Lang à d'autres plus anciens, tels « Fury » ou « You Only Live Once » ; qu'y voyons nous en effet de part et d'autre ? Ici, l'innocence avec toutes les apparences de la culpabilité ; là, la culpabilité avec toutes celles de l'innocence. »



On y observe qu'il défend le fait qu'il ne s'agit pas d'un film qui s'oppose complètement aux autres films de Lang ayant un thème identique car il n'y a qu'un pas chez l'homme pour passer entre l'innocence et la culpabilité.


Jacques Lourcelles dans son « dictionnaire du cinéma » dit :



«  Pour le reste, Beyond a Reasonable Doubt obéissait au principe secret qui régit la plupart des films de Lang, à savoir une antinomie essentielle entre la volonté d'épuration du style poussée ici à l'extrême et une extraordinaire profusion de péripéties, surprises, retournements en tous genres aux conséquences et aux prolongements incalculables. »



Car dans ce film, Lang opère dans un environnement d'une sobriété effarante qui contraste fortement avec les événements qui traversent le films. Alors que l'on s'attend à un plaidoyer contre la peine de mort et l'erreur judiciaire ( tel que Hitchcock le fait dans son film « Le Faux Coupable », adapté d'une histoire vraie ), on est pris de cours, par la tournure des événements ainsi que par la révélation finale qui contredit complètement le discours engagé au début du film.



l’intérêt du double visionnage



Il existe une pluralité de lecture selon qu'on voit le film pour la première fois ou la seconde fois.
Le personnage de Garrett a la première vision, porte le poids de son innocence alors qu'il est condamné ( suite à la mort de Spencer ); à la seconde vision, il porte le poids de sa culpabilité et cela se ressent différemment dans la gravité du personnage.


Car la seconde vision du film nous permet de mieux cerner cette culpabilité du personnage, ainsi le jeu de l'acteur prend une toute autre interprétation de même que certains moment de la mise en scène. ( l'endroit ou la victime à était trouvé, certains indices mêlés aux faux indices tel que le nettoyage complet de la voiture par exemple...).


Sa culpabilité est d'autant plus flagrante, qu'en fréquentant à nouveau une danseuse, ( pour le besoin de la mise en scène de sa condamnation ) on peut remarquer; et seulement au moment où l'on sait qu'il est coupable; qu'il se complaît dans le vice, la séduction, l'argent, l'alcool et les femmes.



Culpabilité ou absence de culpabilité 



Cependant, le film est ambigu car le personnage du procureur Thompson envoie de nombreux individus à la mort, sans ressentir aucune culpabilité alors qu'il fait cela dans l'unique but d'être élu gouverneur.
De même que Austin Spencer, manipule l'opinion publique au travers de son journal de bien belle manière puisque, même si sa fille échoue à prouvé l'innocence de Garrett, elle réussit néanmoins a gagner du temps permettant à l'exécuteur testamentaire de dévoiler les preuves au dernier moment.


Lorsque Susan comprend que son futur mari est l'assassin, ( qui par ailleurs, n'a aucun sentiment de culpabilité suite à son crime ) elle va le dénoncer assez difficilement, le condamnant finalement.


Comme le laisser entendre Peter Bogdanovich dans un entretien avec Fritz Lang, le fait qu'elle condamne Garrett à une mort certaine devrait lui faire ressentir une culpabilité, bien que différente de celle dont Garrett devrait faire preuve, car lui à agit par égoïsme et non par amour pour le personnage de Joan Fontaine en tuant son ex-femme qui le faisait chanter, craignant plutôt que l'on dévoile son image de journaliste-écrivain qui a fréquenter et s'est marié à une entraîneuse.



La culpabilité est affaire d'humanité



Cette réflexion sur la culpabilité peut se retrouver dans un autre film d'un réalisateur « jumeau » en la personne de Alfred Hitchcock, réalisateur du film « Le Faux Coupable » qui, ici, est véritablement innocent mais qui pousse malgré lui sa femme, rongé par le doute et le remord, à la folie.


Ici aussi le sujet du film tourne autour de  l'erreur judiciaire  qui touche des héros à l'apparence innocente.
Car d'un côté nous avons un homme sur le point de se marié, qui est en route pour une gloire en tant qu'écrivain et que rien ne soupçonnerai d'être un criminel.
D'un autre côté, un père de famille, proche du vice, certes, car il travaille dans un dancing, mais dans lequel il ne fait que jouer de son instrument et pratique le jeu (les courses de chevaux) avec modération.
Cependant, la culpabilité peut toucher n'importe qui, comme laisse échapper le véritable criminel, en indiquant qu'il est marié et a des enfants..
Ainsi il n'aurait pas était invraisemblable que le faux coupable le soit réellement.



Religion et Justice



La religion avec l'idée de pardon est excessivement présente, car il s'agit d'un moyen de noyer sa culpabilité, on la retrouve dans la figure du prêtre dans « You Only Live Once », une femme demande grâce au ciel a genou dans « Furie » tandis que dans « Le Faux Coupable » de Hitchcock, le personnage principal prie, ce qui « semble-t-il » dénonce le véritable coupable et confirme l'innocence du héros.


Cependant, la religion n’apparaît absolument pas durant « L'invraisemblable vérité » ( excepté le prêtre qui conduit l'accusé à la chaise durant l'introduction du film ). Cela semble renforcer le fait que Garrett étant le véritable coupable, aucun salut ne lui ai possible ( la dernière séquence, qui insiste bien sur son impuissance face à la grâce renforce cette idée ).


« Furie » , son premier film de la période américaine pourrait être le miroir de son dernier film américain. On y analyse les même thèmes : la peine de mort, le faux coupable... Sauf qu'ici, malgré que le drame atteint son paroxysme, le « happy end » survient finalement contrairement à « L'invraisemblable vérité ».


La culpabilité chez Lang est souvent mise en lien avec une justice défaillante, qui la provoque ou qui en est la source.
Par ailleurs, les personnages juridique tel que le procureur Thompson dans « L'invraisemblable vérité » sont montré comme des personnages négatif, à la recherche de profits plutôt que de vérités.
Les policiers ressemble parfois même à des gangsters comme le policier arrêtant Joe dans « Furie »
agressif, l'arme à la main et son insigne caché (Joe pensant d'ailleurs qu'il est victime d'un hold up).


Cependant Garrett en tuant son ex-femme à était aussi froid que la représentation de la justice faite par Lang dans ses films.



En Conclusion



La culpabilité n'est donc pas directement liée au Mal chez Fritz Lang, Il reconnaît même que chaque homme s'avère potentiellement mauvais, car cela fait partie de la nature humaine à laquelle toute morale est relative.
D'autre part, il démontre que l'innocence de l'homme est régulièrement bafouée que ce soit par la justice, le mensonge, la religion ou encore les vices.


En utilisant comme prétexte, la dénonciation de la peine de mort, Fritz Lang s'est amusé à brouiller les pistes en annonçant un personnage ( Garrett ) au dessus de tout soupçons qui par les apparences ne semblait pas foncièrement mauvais et qui est pourtant coupable, non seulement d'avoir tué, mais aussi d'avoir tenté de manipuler une justice déjà fortement déficiente pour en tirer profit.

GiuseppeLeone
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le 23 mai 2015

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Vilain Coco

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