Comme l’indique son titre, le nouveau film du rare Jodorowsky, son précédent remonte à il y a 23 ans, est une danse de la réalité. Un espère d’immense tourbillon d’images et de sensations qui viendrait chambouler la mémoire du cinéaste. Jodorowky fait danser les souvenirs, les siens, en leur donnant à revêtir un costume de soirée. Dans ce film totalement autobiographique, il entreprend une relecture ou plutôt une réinvention de sa mémoire et de son passé d’enfant. Comme si les fragments de souvenirs qui remontent à la surface se voyaient déformés par le prisme de l’imaginaire.
En somme, Jodorowsky réinvente son histoire, l’embellit, l’améliore, la rend narrative, aventureuse.
La Danza de la realitad est un film comme l’on en voit presque plus. Un film généreux, un peu monstrueux (au sens difforme), porté par une ampleur visuelle et une naïveté non dissimulée des sentiments qu’il ose déployer, et ça le rend touchant. Le cinéaste laisse déborder son imaginaire et éclabousse son cadre d’élans esthétiques, de gestes poétiques. Il va de soi que tout est loin d’être réussi, c’est plein de maladresses, tout n’est pas très heureux, mais cette générosité dans la manière de raconter une histoire et d’aborder la mise en scène, dans un maelstrom créatif où Jodorowsky aurait balancé tout ce qu’il n’a pas pu exprimer durant 23 ans, ça fait du bien. C’est du cinéma sans calcul et porté par une vraie fraicheur.
On retrouve ici une approche cinématographique assez proche de celle que l’on pouvait trouver, par exemple, dans les films de Fellini des années 80 (Intervista par exemple) et bien sûr dans les précédents films du cinéaste. Mais la référence la plus évidente ici, inutile de voir le film pour s’en rendre compte, c’est Amarcord.
Jodorowsky filme son enfance, il a alors une dizaine d’années, dans le petit village de Tocopilla au Chili. Un pueblo perdu au milieu d’un désert de terre et de poussière où vit une ribambelle de personnages illuminés. Un vendeur de glaces, un nain, des mineurs au corps ravagé, et bien sûr la famille d’Alejandro. Un père tyrannique, communiste obsédé par Staline, qui le martyrise pour en faire un homme. Une mère fellinienne, qui tient une boutique de vêtements et qui ne s’exprime qu’en chantant comme une chanteuse d’opéra (Jodorowsky expliquera que sa mère ayant toujours voulu être chanteuse d’opéra, quelque part il a voulu, ici, exaucer son rêve). Et au milieu le petit Alejandro et sa chevelure d’or.
A mi-chemin, le cinéaste cesse de se filmer enfant, et ne filme plus que son père. Et il en fait le héros d’une grande aventure, traversant l’histoire politique et sociale chilienne.
Et c’est bien ici que le film touche le plus. Car le cinéaste va réinventer la figure paternelle, va recréer son père, son héros. En faisant danser le réel, Jodorowsky s’adresse à son père, et lui donne à parcourir le chemin semé d’embuches de la rédemption. Afin d’y chercher une forme de réconciliation.
Mais en faisant danser le réel, c’est aussi à lui-même que s‘adresse le cinéaste. Il part à la recherche de l’enfant enfui en lui, pour mieux le comprendre, comprendre son enfance, et ainsi mieux comprendre l’homme qu’il est devenu. Et ce film semble aussi, et surtout, être une réconciliation avec lui-même.
Teklow13
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le 22 mai 2013

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