Et la tempête souffla, dans son coeur et le mien...

"Je suis une enfant de 10 ans, perdue sur les plages infinies d'une Irlande acerbe. Les falaises me rappellent à ma condition, minuscule, mais colorée, envolée, mais rappelée.


Je suis une jeune adulte de 18 ans, rêveuse, livre à la mer, eau de rose pleine la tête, je pense à l'insoluble plaisir d'une conquête amoureuse. Je me complais à rêver des comptines de mon enfance.


Je suis une jeune adulte de 20 ans, j'ai trouvé mon rêve. Je me lance toute blanche dans les festivités, prête à déchainer une foule sans grande volupté.
Très vite je déchante, l'acte est bref, mon rêve l'est tout autant. La désillusion fait place à l'amertume, je cherche le long des plages infinies ce que j'ai pu manquer.


Je suis une adulte de 25 ans, au coin du bar mes élans ce sont épris de l'uniforme. C'est au cœur de la forêt que le plaisir de la chair se révèle à moi, en accord parfait avec une nature docile, frivole, douce, illuminée.
Les plages qui firent mes rêves se retournent contre moi, elles me trahissent, marquant mes pas, dévoilant mes secrets.
Morbide est le village, durs sont les villageois. La tempête gronde, les flots se déversent, je perds pied. Méprisée par la foule, acculée, mise à nue devant l'obscurantisme, j'assume. Mon rêve d'antan, mon premier amour, dans sa noblesse me maintien à flots. Seule l'église, clairvoyante lancera un dernier mot, mélancolique, véridique, authentique. Le doute s'installe et pointe son nez l'objectif. Celui-ci qui m'a maintenue tant d'années sur les plages infinies : l'émancipation."


Ryan's daughters c'est la beauté pure, le cinéma qui rejoint la peinture, un personnage principal qui n'est autre que la nature, en accord parfait avec Sarah Miles. C'est une beauté picturale rarement égalée, des personnages d'une justesse indécente (mention spéciale à "l'idiot du village" incarné par un John Mills au sommet) et une poésie mélancolique sublime.
C'est un David Lean touché par la grâce, au point même de subir l'ombre des poètes maudits. Il aura fallu des années pour rendre justice à ce film, et je suis fier d'y contribué quelque peu par ces lignes.


Je m'en retourne donc, sur les falaises d'Irlande, mon esprit chevauchant sur les longues plages, fuyant peu à peu l'aliénation d'où qu'elle provienne. Et je vous y attends.


"On peut juger de la beauté d'un livre à la vigueur des coups de poing qu'il vous a donnés et à la longueur de temps qu'on est ensuite à en revenir." Flaubert.

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le 5 juil. 2015

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Westmat

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