CRITIQUE SUSCEPTIBLE DE CONTENIR DES SPOILERS:

Shakespeare écrivait il y'a plusieurs siècles qu'il y'avait "quelque chose de pourri au Royaume de Danemark".
Aujourd'hui, nous pouvons dire qu'il y'a quelque chose de pourri dans le cinéma français. Et quand je parle du cinéma français, j'en parle au sens large du terme, englobant tout leurs penseurs, théoriciens, porte-paroles et mécènes.
Et donc bien évidemment les critiques.
Voila que sur le dernier film de Valérie Donzelli, ces dernières qui d'ordinaire, se partagent, se déchirent sur les sorties aux écrans obscurs, elles nous imposent un consensus.
Il est impossible de ne pas aimer "La guerre est déclarée".
C'est ce que j'ai entendu de la bouche même d'un critique de Télérama partageant son opinion, enfin que dis je, la sainte parole aux pauvres brebis égarées.
Libération, Le Monde, Le Parisien, Studio CinéLive, Télérama, Les Inrockuptibles, Marianne, Première ne le défendent pas.
Ils l'acclament. Ils lui offrent le podium de chef d'oeuvre en s'agenouillant devant Valérie.
Seul Chronik'art sort du droit chemin en se positionnant contre le film, mais fait office du coup de vilain petit canard noir.
On se retrouve donc avec une forme de nomenklatura invitant chaque français à venir se faire hacher le cerveau à la chaine, tel les enfants du clip "Another brick in the wall" de Pink Floyd.
Plus grave encore, le public lui aussi suit le consensus, en l'imposant à leur tour à leurs compères.
S'ensuit la question logique: pourquoi prendre un ton si noir en parlant de "La guerre est déclarée" ?
Après tout, si tout le monde est d'accord pour dire que c'est un chef d'œuvre c'en est forcément un.
Peut être, n'as tu simplement pas été touché par cette merveilleuse histoire pleine de grâce, me diront certains.
Peut être, es tu juste un abruti jaloux du talent de Donzelli, me diront d'autres.


En cela, oui, il y'a une guerre qui est déclarée. Une guerre qui dépasse le simple stade du film. Il s'agit la de tout notre cinéma qu'il est à sauver.
"La guerre est déclarée" est la pire chose qui soit arrivée au cinéma français.
A tel point que je me dis que cette critique est inutile: soit on avait les yeux et les oreilles ouverts durant la séance, soit on ne les avait pas.
Etant dans la première catégorie, je commence le film avec une scène d'exposition que même le téléfilm du lundi sur la six n'oserait pas.
Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm se rencontrent. Ce ne sont pas des acteurs que l'on voit à l'écran, c'est ce que l'on appelait les "beautiful people". Les gens qui s'aiment tellement, qu'ils ne peuvent s'empêcher de distribuer leur surplus de guimauve à tout le monde. Quitte à les faire payer 8 euros pour ca.
Leur amour, j'entends l'amour qu'ils partagent dans la vie réelle en est à un tel point qu'ils vont se nommer Roméo et Juliette dans ce film. Ce qui est tout à fait normal, d'appeler son enfant au 20ème siècle, Roméo et que comme par hasard, il rencontre une Juliette.
Je sens que déjà certains vont réagit en me disant "T'exagères, c'est pas à prendre au sérieux ca".
Donc j'aborde le point, juste deux secondes avant de revenir à ce que je disais:
je sais faire la différence entre ce qui est serieux (donc ce qui relève de l'histoire) et le cinématographique (ce qui va relever du simple but de mise en scène). Et contrairement à ce que tout le monde croit, je sais faire la différence entre les deux.
Mais quand on nomme ses personnages Roméo & Juliette, on NE PEUT PAS être cinématographique. C'est de l'exposition, donc par définition ca relève du scénario. Donc ne me dites pas que ce n'est pas à prendre au sérieux.

Je continue. Nos deux personnages se croisent dans une soirée. Leurs regards se croisent... Et Roméo l'ayant à peine regardée... lui jette une cacahuète dans la bouche pour l'amuser.
Voila, maintenant je lance le grand jeu qui va continuer tout au long de cette critique "Mais qui fait ça aujourd'hui en France ?".
C'est vrai, vous tenteriez ca pour draguer une fille en boite ?
Le tout étant filmé dans une qualité dégueulasse, arrosant l'image de grain et de flou. Pour ceux qui vont me dire "Roh ok y'a pas une SUPER qualité d'image, mais ca se laisse regarder, et bon elle était plus libre comme ca en filmant avec une mauvais caméra".
Moi je sais avec quoi elle a filmé.
Elle a filmé avec un 5D.
Ce qu'on voit à l'écran, au mieux c'est de la DV bien étalonnée.
Pour être en école de ciné, je peux affirmer avoir vu des étudiants de première année (donc vraiment des débutants) faire mieux que ça, avec la même caméra.
Il y'a une forme de pensée en France qui vise à dire que toute personne filmant avec une caméra non professionnelle donc de qualité moindre, est forcément dans l'esprit de Godard, ou celui d'un John Cassavetes.
Mais aujourd'hui, il est facile pour quiconque ayant peu de moyens, d'arriver à faire une belle image, ou du moins une image correcte.
Donc applaudir ce que fait Donzelli avec sa caméra, ca revient à cracher sur tout les chef opérateur, de France, du monde qui essayent eux de créer une véritable esthétique dans leur film.
Le message laissé par les supporteurs du film est clair "L'image on s'en fout, donc tout votre travail de l'image, à vous autre fanatiques de la beauté, ca ne sert à RIEEEEEEN".
Il est clair que le film est fait avec les mêmes exigences que celui d'un film d'amoureux en vacances, puisque précisément on y retrouve tout les travers.
Si Valérie Donzelli avait voulu faire un vrai film, elle n'aurait, par exemple, jamais casté son mauvais acteur de petit ami, qui est un total "miscast" ne serait ce que pour sa voix.
Elle aurait pu aussi essayer de faire vivre les seconds roles. Car chacun d'entre eux est délibérément absent, et quand Donzelli en a besoin pour une scène, elle va en recréer un autre, qui disparaitra lui aussi à la fin de sa scène.
Cela en devient à mourir de rire quand Juliette croise une autre mère à qui elle doit expliquer que son fils à une tumeur. Non seulement, la pauvre actrice n'a que des répliques de misères mais en plus elle surjoue. A un point tel que je demande à ce que toute école d'actorat se serve de ce film pour enseigner à leurs élèves, ce qu'il ne faut pas faire dans un film.
Donzelli et Elkaïm se sentent bien dans leur "film" d'amoureux. A tel point qu'ils en oublient la responsabilité de jouer un rôle dans un film., surtout un premier rôle.
Spike Lee le démontrait dans Do the right thing, ou son personnage portait son point de vue.
Donzelli a oublié ca. Donzelli dit des choses atroces dans son film et pense naïvement que ce ne pourra être attribué à elle, puisque ce n'est que son personnage qui le dit. Que penser de ce couple, ayant pourtant affaire à des gens faisant leur possible pour eux, déclarant ne plus jamais vouloir affaire au "petit personnel" des hopitaux ?
Que penser d'un couple qui espère pendant tout une scène, censée être prise à la dérision et voulant être contre balancée au dernier moment par une vaine attaque sur le front nationale, que leur fils ne soit ni noir ni pédé ?
Donzelli est porte drapeau de l'irresponsabilité.
Une irresponsabilité non seulement morale mais cinématographique.
Comme dans ces moments de voix off ou elle répète l'action ou la réplique qui va suivre. Ce qui en devient agaçant au plus haut point.
Cependant, la nomenkatura admire: cela leur rappelle les brillantes heures de la nouvelle vague et couvre d'éloge ces moments pour souligner, une nouvelle fois, la "liberté de la réalistrice".
Ce qui prouve bien que nous vivons entourés de journalistes attardés, puisque pour eux les codes de liberté de 2011 sont les mêmes que ceux des années 60.
Alors on me parle de "sujet fort traité sans pathos". En effet, je ne peux contredire cela, "La guerre est déclarée" a un sujet fort. Un enfant qui a le cancer, qui ne peut pas être touché par cela. Si on ne l'est pas, on est forcément un monstre !
On se retrouve donc dans une situation similaire à celle du film de Rose Bosch, ou chacun de ceux qui osait attaquer son film se voyait attribué la jolie étiquette de "Nazi". Son sujet est fort, et si vous n'aimez pas son film, c'est que vous n'avez pas été ému, et donc que vous êtes une saloperie de gazeur inhumain !
Comme a rappelé un critique en effet c'est un sujet fort, mais son traitement est loin de l'être.
Ainsi en est de celui de "La guerre est déclarée". Son principe ? Nous serons plus fort que la maladie de notre fils, en... n'ayant rien à foutre.
Donzelli traite le sujet donc avec le même dandysme et le même dédain qui caractérise aujourd'hui tout les "bobo" parisiens.
Ah oui en effet il y'a de quoi aimer.
La aussi l'irresponsable Valérie oublie ce que cela sous entend: toutes les familles ayant vécu un événement aussi terrible et ayant sombrées dans la tristesse et la désincarnation, ne sont que perdants d'une guerre.
Désolé d'être aussi trivial, mais il faut être une raclure de pute pour dire des choses pareilles. Qu'on refuse l'apitoiement est une chose. Mais que de démontrer qu'il est aussi facile d'oublier son fils et que c'est quelque chose que tout le monde peut faire, et devrait faire (!!!) dans ce genre de cas, c'est proprement abject et ignoble.
La aussi Donzelli ne s'est jamais posé la question, et peu importe pour elle, car Donzelli est amoureuse de son mec et c'est la seule chose qui compte.
Continuant d'oublier ce qu'est un découpage, elle ne cesse de nous assener de coups cinématographique totalement vains (le moment ou elle court dans les couloirs filmé de façon à nous donner la nausée), de dialogues ridicules (le passage ou l'infirmière avant l'IRM se voit obligée d'expliquer c'est qu'une anesthésie), de moment dramatiquement ridicule (quand le père apprend que son fils est malade et tombe a genoux, les bras au ciel, criant comme le "Best Cry Ever") et surtout de parenthèses musicales n'ayant rien à foutre la.
Car Donzelli et Elkaïm, se sentent obligés de rappeler qu'ils sont "AMOUREUX" et font donc une chanson ou chacun proclame sa flamme à l'autre, juste après qu'ils apprennent la terrible nouvelle concernant leur fils.
Le film finit sur un happy end, mais les deux tourtereaux, se rappelant l'espace d'une minute qu'ils ont un vrai long métrage à livrer, disent quand même que Roméo et Juliette se sont séparés.
Totalement vain, puisqu'on les voit encore à l'écran ensemble dans le plan final.


En bref, ce film m'a terrifié. Terrifié d'ennui, de médiocrité, de non respect du cinéma, d'abjection morale. De tout.
La situation n'était pas très belle avant ce film, dans le 7ème art français.
Nous étions dans ce que nomment assez justement les américains le "nouvel extrémisme français".
Nous avons d'un coté ces films bobos qui laissent transparaitre que leurs auteurs n'ont jamais quittés leur dupleix, tout comme les grosses machines hollywoodiennes laissent transparaitre très souvent que leurs producteurs ne quittent jamais Los Angeles.
Et d'un autre coté, on a ces réalisateurs qui cherchent la provoc' pour parler d'eux, épuisant jusqu'à la moelle tout les thèmes de la violence et du sexe, de façon souvent assez graphique (Gaspar Noé en tête).
C'était assez navrant, mais il y'avait quand même quelques réalisateurs qui arrivaient à sortir la tête de l'eau.
Jérome Salle renouait avec le cinéma de papa a envergure internationale avec Largo Winch.
Rémi Bezancon, et le duo Tolenado/Nakache, réapprenait à leur public que l'on peut faire des comédies droles tout en arrivant à caresser une certaine fibre émotionnelle.
Même Fred Cavayé a remis au gout du jour ce qu'est un véritable suspense.
Aujourd'hui tout leurs éfforts sont vains.
Car aujourd'hui, jour ou on offre la couronne de césar à "La guerre est déclarée" est un jour noir pour nous.
C'est un jour ou tout ce qu'il était potentiellement possible de faire pour rater un film a été fait et a été portée aux nues.
Voila que nous allons nous retrouver dans les prochaines années, avec pléthore de films s'inspirant, voulant copier le film de Donzelli, car cela a été déclaré comme "modèle à suivre".
Voila que nous avons tué notre cinéma.
Amen.
HugoShapiro
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le 4 sept. 2011

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