La Loi du marché par Gérard Rocher La Fête de l'Art

La famille Tabourdeau vivait "correctement" malgré l'infirmité de leur fils mais un beau jour Thierry le mari perd son emploi. La situation financière se dégrade très vite d'autant plus qu'à cinquante ans les places en entreprise se font encore plus rares. Les traites de la maison étant en cours, Thierry tente de trouver une nouvelle place. "Pole emploi" ne proposant que des stages qui ne permettent pas à cet homme un avenir serein, il est contraint d'accepter une place de vigile dans une grande surface de la région, un métier qui visiblement n'entre pas dans ses goûts et qui n'a rien à voir avec son ancienne profession...


Ce n'est malheureusement pas une histoire très originale qui est ici abordée, c'est la destinée fatale de salariés ou autres de plus en plus nombreux qui est ici exposée. Pour Thierry et son épouse tout devient plus compliqué qu'auparavant, il ne s'agit même plus de compter. On est pris à la gorge d'autant qu'il ne faut pas négliger le fils handicapé. De plus, se retrouver devant ce mur de "Pole emploi" où le dialogue avec les interlocuteurs reste à chaque visite identique devient révoltant. Des stages sans grande utilité pour son cas lui sont proposés. Les lettres de demande d'emploi restent vaines et pour les quelques sociétés qui daignent répondre, Thierry ne correspond jamais tout à fait au profil attendu. On lui conseille de vendre ce qui amène un peu de plaisir dans la vie: sa maison, son vieux mobil-home au bord de la mer. L'homme est révolté, presque honteux, diminué surtout qu'il sait que son ancienne société réalise de juteux bénéfices mais il y a cette "Loi du marché" cette gangrène d'une société où règne l'ultralibéralisme qui fait le bonheur de quelques-uns et le malheur de bien d'autres.
C'est un supermarché qui va finalement donner brièvement un peu de baume au cœur à Thierry. Il passe sa journée à traquer les clients qui se "servent gratuitement" dans les rayons. Certains sont si pitoyables, si confus que l'on a du mal à les prendre vraiment pour des voleurs car ils ont eux aussi des raisons extrêmes de commettre ce geste. Ainsi va la nouvelle vie de Thierry. Il gagne enfin un petit salaire tout en fliquant également ses collègues caissières. Il est vrai que là aussi, la direction compte se débarrasser coûte que coûte d'un certain nombre de salariés afin d'augmenter sa marge bénéficiaire. Ainsi, tout les moindres motifs sont bons pour jeter dehors du personnel modeste sans s'occuper des conséquences dramatiques pour celui-ci puisque pour la grande surface le slogan est : "ICI LE BÉNÉFICE EST ROI !" Pour Thierry le tout est de remplir son ingrate fonction consciencieusement et sans états d'âme mais est-il si facile de ne pas en avoir ?


Ce film relate une situation dramatique qui se banalise malheureusement de plus en plus: ce chômage avec tous les problèmes humains et matériels qui en découlent. Pour nous relater cette souffrance, le réalisateur Stéphane Brizé a décidé de nous offrir un film en mode documentaire dans lequel nous suivons un homme cassé par le système actuel en proie à ces doutes merveilleusement et interprété par un Vincent Lindon complètement investi dans le rôle de Thierry. Des récompenses tout à fait mérité est venues saluer sa performance d'acteur qui est l'atout principal de cette œuvre. Les comédiens qui l'entourent sont eux aussi d'une grande sincérité dans leurs rôles et ils contribuent à rendre ce film aussi émouvant que crédible. Néanmoins, il n'a pas la puissance dramatique, à mon avis, de "Deux jours, une nuit"de Jean-Pierre ** et **Luc Dardenne, restant pour moi une œuvre de référence sur ce douloureux sujet.


Rien que pour la prouesse de Vincent Lindon aussi révolté et émouvant que dans "Welcome", ce film de Stéphane Brizé mérite le détour et peut-être réussira t-il à convaincre du bien bien fondé du message délivré? Je l'espère de tout cœur.


Ce film a obtenu :


Festival de Cannes 2015 :
- Prix d'interprétation masculine pour Vincent Lindon
- Mention spéciale du jury œcuménique

- 21e cérémonie des prix Lumières 2016 : Prix Lumières du meilleur acteur pour Vincent Lindon
- César 2016 : Meilleur acteur pour Vincent Lindon

Grard-Rocher
7
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le 6 mars 2016

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