Je ne saurais expliquer ce qui m'a spécialement donné envie de revoir La Momie. J'ai toujours eu une certaine affection pour ce film d'aventures (moins pour le second opus, le troisième n'en parlons même pas), tout en craignant que ladite affection soit tout de même très conditionnée par le côté film "culte" générationnel. Et ce d'autant plus que la carrière de son réalisateur, Stephen Sommers, n'a pas été spécialement brillantes depuis, et que l'on évoque souvent son film comme une version "du pauvre" d'Indiana Jones. Quoi qu'il en soit je me suis replongé dedans avec la ferme intention d'affiner mon avis. Aucun doute : La Momie semble être l'exemple-même d'une génération de blockbusters ultra-prenants dont on semble avoir perdu le secret.

L'incertitude ne plane même pas au-dessus de La Momie, puisque tout de suite, dès les premières images, il expose son ambition, au son de la splendide musique d'un Jerry Goldsmith inspiré comme toujours. Lors d'un prologue d'une redoutable efficacité, tous les enjeux du film sont mis en place pour permettre une vraie fresque d'aventures épique, tranchant net avec le ton des Universal Monsters de jadis tout en reprenant leur ambition. A chaque plan de La Momie, pourtant un blockbuster plutôt générique de la fin des années 90, on est subjugué par l'effort déployé pour vraiment créer l'univers, à l'heure où trop de productions du genre sont finalement très feignantes et peu inspirées de ce côté-ci. A noter d'ailleurs la très belle photographie en scope d'Adrian Biddle.

Pour revenir à ces accusations réduisant La Momie à un vulgaire ersatz d'Indiana Jones, je pense qu'en fait le film de Sommers (qui est d’ailleurs aussi scénariste), bien que se référençant évidemment au célèbre archéologue, va chercher ses inspirations plus loin, directement à la source. Mais pas que. Tout y passe mais s'intègre bigrement bien dans le récit et à l'image : les chevauchées épiques de Lawrence d'Arabie, les fresques historiques de la Fox, le film d'aventures à la Michael Curtiz (qui a d'ailleurs réalisé le très bon L’Égyptien, dont La Momie s'inspire également) ou encore toute l'influence de la culture des séries B et du serial. Sans parler des Univeral Monsters, évidemment (dont une référence cocasse à Dracula dans un plan). La Momie est généreux et surtout se ficelle avec pas mal d'intelligence dans ses héritages, tant il pousse à la curiosité.

Tous les poncifs des genres passent évidemment à la moulinette mais sont agréablement nuancés par la touche comique du film, burlesque à plus d'une reprise. Cela dit, La Momie ne sombre jamais complètement dans la bouffonnerie ambiante et l'esprit qui demeure sur le métrage reste avant tout, et de très loin, l'épique. Ainsi, tout tient la route, s'équilibre et se savoure avec un certain plaisir. Même la tête à claque de Brendan Fraser finit par provoquer notre sympathie, sans parler du charisme littéralement vampirique d'Arnold Volsoo dans les bandages de la momie Imhotep, succédant notamment à Boris Karloff.

Bien que la genèse de La Momie soit ponctuée d'un certain nombre de grands noms qui ont été d'une manière ou d'une autre liés au projet (Joe Dante, George A. Romero, Clive Barker...), Stephen Sommers n'a curieusement pas à trop rougir et parvient à tenir son film d'une solide poigne de vrai metteur en scène. Il multiplie les astuces de réalisateur pour servir le rythme effréné de son film, notamment avec cette ellipse de 3000 ans après le prologue, remarquablement bien pensée dans un seul et même plan. Tout à l'image semble étonnement dynamique et naturel, même les passages nécessitants nombre d'effets spéciaux numériques, dont l'usage, ici très maitrisé, ne manque pas de rappeler à plus d'une reprise la conception "à l'ancienne" des effets spéciaux, façon Ray Harryhausen dans Jason et les Argonautes ou Sinbad.

Quelque part il était impensable que La Momie survive à l'épreuve du temps (paradoxal me direz-vous...) et s'inscrire comme une vraie œuvre de cinéma de genre, à la noble ascendance. Je sais que j'insiste sur ce point, mais il y a une sorte de bienveillance bon enfant qui plane au-dessus du film, un désir innocent d'aventure qu'aujourd'hui on ne retrouve plus dans une majorité de superproductions hollywoodiennes, qui ne prennent d'ailleurs même plus la peine de soigner la forme. D'une certaine manière, le vernis qui englobe La Momie est le même que celui de productions comme Stargate : la porte des étoiles. Quand bien même il n'atteint pas des sommets, il reste un divertissement précieux.

C'est une redécouverte qui me fait plaisir, car elle me confirme que le film ne mérite pas l'oubli. C'est déjà beaucoup. Descendant du pauvre d'Indiana Jones, donc ? Que nenni, il faut le redécouvrir ! Et si ça n'est pas pour Stephen Sommers (les doutes peuvent se comprendre), faites le pour Jerry Goldsmith !
ltschaffer
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le 6 oct. 2014

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Lt Schaffer

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