La Proie nue par Teklow13
La proie nue est une vraie curiosité. Sans être le chef d’œuvre annoncé par certains ni le nanar par d’autres, c’est un film étonnant et insolite à plus d’un titre.
C’est drôle de voir l’acteur Cornel Wide aux commandes d’un tel projet, je crois savoir qu’il en a réalisé d’autres avec une approche et une étrangeté assez semblable.
C’est aussi lui, ici, qui incarne, l’homme blanc, qui n’a pas de nom dans le film, et qui mène des chasseurs d’éléphants colons, afin de récupérer l’ivoire.
Suite au refus du chef de l’expédition de donner quelques offrandes à une tribu présente sur le territoire des éléphants, tout le groupe se fait torturé et massacré par la tribu. Dans une scène d’une rare barbarie. Cornel Wilde est l’unique survivant et on le laisse s’échapper, avec quelques mètres d’avance, dans la savane africaine.
Débute alors une longue et épuisante chasse à l’homme.
J’ai du mal à saisir le véritable fond du film, qui pourrait paraitre litigieux, qui ne l’est surement pas, mais son traitement pourrait prêter à confusion. Ici les chasseurs d’ivoires sont d’emblée décrit comme des salauds, des pilleurs colonialistes et destructeurs de la nature. Bien sûr Cornel Wide se donne un rôle un peu moins infect que les autres afin de susciter de l’empathie tout le reste du film.
Mais les membres de la tribu africaine sont également décrits comme des barbares sanguinaires.
Heureusement Wilde contraste un peu leur vision durant la chasse, révélant leur humanité vis-à-vis des leurs,… Et puis il aborde dans le film d’autres peuples, et la vision de l’Afrique ne se résume pas à cette tribu de chasseurs.
Je suis certain que la proie nue n’est en aucun cas un film raciste, mais au contraire un pamphlet anticolonialisme ciblant la place de l’homme blanc en territoire étranger. Doublé d’une réflexion sur la violence et sur les rapports de force entre chasseur et proie. Passionnant à plus d’un titre, mais non dénué de maladresses dans son approche.
La forme du film est également étonnante. On pourrait tenir là l’ancêtre du survival, qui semble puiser aussi sur les mythiques chasses du comte Zaroff, et qui définit des codes que l’on retrouvera plus tard dans de nombreux classiques du genre.
Quasiment totalement dénué de dialogues, quelques échanges entre colons au début, et des dialectes non traduits entre les membres des tribus, le film n’en est pas moins musical. Rythmé tout le long par une bande son composée uniquement de tamtams, et agrémentée par les bruits naturels de la savane. C’est un vrai survival, un film viscéral où un homme, plutôt des hommes, car les poursuivants sont logés à la même enseigne que leur proie, doivent affronter la nature, la chaleur, la faim, la soif, la faune, … Constamment en mouvement, on voit un homme à moitié nu courir dans la brousse, chercher comment boire, manger, se protéger les pieds, se cacher, et contrer ses poursuivants.
La mise en scène aussi est insolite. Tantôt d’une grande violence, tantôt s’attardant de façon plus ample sur la beauté mais également la rudesse des paysages traversés. Laissant échapper par endroits des scènes quasi burlesques : l’homme va utiliser une épine pour se curer les dents après avoir manger un escargot. Scènes passées en léger accéléré lorsqu’il tente d’attraper du gibier,…
Mais insolite aussi car tout le film est entrecoupé de scènes documentaires sur la faune du lieu. On y voit un nombre innombrable d’animaux : éléphants, lions, guépards, gazelles, gnous, crocodiles, flopée de serpents, scorpion, oiseaux, singes,… Souvent eux-aussi filmés dans des rapports de chasseur/proie, venant doubler le propos du film et cherchant à démontrer (terme un peu dur) l’animalité de l’homme refaisant surface.
Au final, et malgré quelques maladresses qui peuvent déranger, je crois que j’ai beaucoup aimé. En tout cas c’est une découverte marquante.