Le mauvais patriote a filé à l'anglaise, mais au moins il l'a fait en beauté.

Ah, La Taupe...c'est que ce film en a fait tourner des avis. "C'est d'un ennui" disaient-ils, "Je n'ai rien compris" répondait-on. Pourquoi pas. C'est déjà ça que d'avoir un avis sur la question.
De mon point de vue, tout ce qui a fait chier ceux qui m'accompagnaient m'a, la plupart du temps, ravi.

D'une, on dit que c'est lent, mou, longuet. C'est vrai. Ce film est extrêmement paresseux, nonchalamment projeté devant des gens qui veulent être excités, pas endormis. C'est que dans ce film, on joue beaucoup sur la beauté de l'image pour ce qu'elle est, pas pour ce qu'elle raconte : alors quand Gary nous fait un monologue de cinq minutes avec gros plan sur son joli visage, j'ai rien écouté de ce qu'il disait, j'ai quasi joui.
C'était magnifique. Le traitement des plans -leur frontalité, surtout, m'a conquis, les travellings, les rencontres, les positions des personnages, leur interaction...non, vraiment, c'était du beau pour du beau. Et j'ai rarement été mieux servi.
C'est aussi pour ça que je pense qu'il vaut mieux le voir au ciné, sans quoi ça te bouffe la moitié du plaisir -la proximité avec le grain de peau de Mr Smiley.

De deux, les acteurs. Ne dites pas que vous y êtes allé pour le nom du film : allez, peut-être parce que vous avez au préalable lu le bouquin. Mais la liste de grands acteurs donnait un peu envie de savourer le mélange, hein. Et qui fut déçu ? Qui ? Sûrement pas moi !
Après, je veux bien accorder que au vue de l'ambiance et de la gravité continuelle de l'histoire, on pense qu'il suffit de se mettre en mode "SAD" et d'y rester d'un trait à l'autre. Je veux bien l'accorder pour Gary, et encore...c'est une autre question, avec lui. Il est le personnage plus qu'il ne le joue, c'est là son coup de génie.
Quant au reste, pas un seul des messieurs espions ne m'a déçu : Single man était bluffant, touchant aussi, sans parler bien sûr de son amant pas vraiment mort, Sherlock devait être sorti de ce rôle quand on le voit fondre en larmes parce que vraiment, face à la prestation, on sent qu'il est fait pour l'émotion extrême et le drame. Je veux voir Benedict pleurer plus souvent.
Bref. J'ai adoré l'humanité branlante de ces gaillards mal assumés.

De trois, la musique. Surprenante à des moments, décor à d'autres, elle se baladait tranquillement, style de rien, mais savait donner le la quand il le fallait.

De quatre, la création d'ambiance. Comme dit ci-haut, elle est assez noire, tout du long pesante : et pourtant elle a ses petits rythmes à elle, entre moments intimes et flashbacks, révélations et actions. Elle repose beaucoup sur les personnages, c'est sûr, mais elle trouve un équilibre certain entre ce que voit celui que joue et celui qui regarde. C'est ce qui fait que le trash des meurtres ne m'a pas paru déplacé mais m'a troublé quand même.

Allez, on passe aux deux bémol : l'histoire, avec toute la bonne volonté du monde, est mal traitée et le too much de certains plans.
Monsieur le réalisateur, m'a-t-on dit, aurait aidé à l'écriture du scénar -ou une idée du genre. Soucis, il avait trop le nez dedans et ne voyez pas qu'à force de pousser la subtilité, on n'en voyait même plus ce qu'il voulait nous dire. J'avais pas saisi que la Taupe avait un amant, que lui était pote avec untel et que ci et que ça. Les incompréhensions s'entassent et à la fin, tu saisis à peine le fin mot de l'histoire.
Histoire ? Quelle histoire ?
Et cette image ragoutante, là, avec la petite larme de sang après le coup de fusil pour jouer la symétrie avec la larme d'eau salée de celui qui tire, merci bien : on s'en serait passé. (et puis le coup de Control qui meurt et que son assiette cassée fait écho dans tout le pays...bof)

Tout ça pour dire que ce film m'a emmené du Cirque à Paris et que j'ai aimé le voyage pour le seul prix de mon ticket de ciné. Allez le voir si ce n'est pas fait, enfin, surtout si vous aimez les belles productions et que vous savez accorder peu d'importance à un scénar bancal.

Conclusion : le briquet volé de Mr Smiley m'a longtemps obsédé.
stc019
8
Écrit par

Créée

le 9 mars 2012

Critique lue 305 fois

stc019

Écrit par

Critique lue 305 fois

D'autres avis sur La Taupe

La Taupe
RENGER
2

Une intrigue palpitante sur fond d'espionnage plombée par un manque évident de suspens et de rythme

La Taupe (2012) est l'adaptation de "Tinker, Tailor, Soldier, Spy", roman de John Le Carré publié en 1974. L'intrigue nous renvoie en 1973, en pleine Guerre Froide ou "le cirque" (nom de code donné...

le 26 janv. 2012

47 j'aime

5

La Taupe
Hypérion
7

La mer, qu'on voit danser....

Tinker, Tailor, Soldier, Spy (on va lui préférer ce titre à La Taupe" qui confusément rappelle de mauvais souvenirs auditifs que je ne qualifierai jamais de musique) est d'une perfection formelle...

le 10 sept. 2012

38 j'aime

3

La Taupe
MrShuffle
6

Karla et les chics types

Film plus que parfait par excellence, La Taupe flatte l'intellect du cinéphile dans le sens du poil. Avec un scénario exigeant et bien écrit qui ne perdra en cours de route que les millions de...

le 24 févr. 2012

36 j'aime

2

Du même critique

Strange Circus
stc019
10

Mesdames et messieurs, le cirque Sono débarque en ville !

Je pensais avoir été assez brassée comme ça avec Cold fish ou Suicide Club. Et bah non. Je crois que tu connais pas assez puissamment Sono Sion si tu n'as pas maté ce film-là : bon, je pense que Love...

le 24 août 2012

4 j'aime

Love Exposure
stc019
10

Critique de Love Exposure par stc019

Ce film m'a fait croire facile que Jésus était vraiment plus cool que Kurt et qu'il savait élever de beaux fidèles aujourd'hui encore. J'ai la bande-son de gravée en tête, et la croix géante dressée...

le 22 août 2012

1 j'aime