N’en déplaise à la réalisatrice, son film typiquement cannois et rodé pour les Césars n’est pas un échec dans les grandes largeurs, il est même de très bonne facture sur certains de ses aspects, notamment ses interprètes tous très justes excepté une Sara Forestier caricaturale affublée de fausses dents. Dépeignant le récit difficile d’un jeune homme sans cesse tiraillé entre problèmes familiaux et déboires avec la Justice, La Tête Haute s’annonce de lui-même comme un film militant, revendicateur. Conçu en paliers, et dont le point névralgique seront les passages réguliers dans le bureau de la juge pour enfants qui décidera de l’avenir du héros, le récit est purement cinématographique, dans l’optique de raconter le récit initiatique d’un jeune homme faisant face à ses responsabilités. Le problème réside pourtant ailleurs, dans l’aspect documentaire pour lequel Emmanuelle Bercot opte sur certains points de son film. Similaire au film de Maïwenn, le film narre des scènes de vie avec une caméra finalement très vivace, qui couplée aux nombreux plans à l’épaule et aux zooms donne la désagréable impression que nous ne sommes plus en face d’un film de cinéma mais bien d’un docu-fiction qui remet en cause tout ce que la réalisatrice tente de nous dire. Le film révolte dans ses différents détails, l’attitude qu’ont les représentants de la Justice envers les jeunes délinquants ou encore le manque de rigueur dans l’aide qu’on leur apporte, mais il est aussi un simple cas d’étude de specimens en tout genre, de personnages triés sur le volet pour leur personnalité, ne servant alors qu’à servir le propos unique que vise la réalisatrice. Polisse était un film générationnel et pourtant assez intelligent dans l’approche qu’il faisait de son sujet, mais Bercot est dans l’incapacité de choisir son camp.
En somme, La Tête Haute est un film qui peut se voir sans trop de problèmes, mais il convient d’avoir un oeil critique vis-à-vis de ce que l’on voit, et de la manière dont on nous montre les choses. Si le film choque par l’interprétation assez bonne de Rod Paradot et par la critique du système judiciaire français, celui-ci ne propose pas assez de nuances et d’ouverture pour laisser son spectateur juger de ce qu’il voit, comme l’excellent Entre Les Murs avait pu le faire. Reste malgré tout de très belles scènes comme de très mauvaises, mais un docu-fiction qui au final ne s’assume pas.
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