Les documentaires sur la guerre d'Algérie ne courent pas les rues (de moins à ma connaissance mais je serais heureux de me tromper) mais "La guerre sans nom" comble magistralement ce vide.
Près de 4 heures d'interviews d'anciens appelés français en Algérie entre 54 et 62 (tous originaires de la région grenobloise), agrémentées de ci de là de photographies d'époque prises par ces derniers et de paysages grenoblois et algériens magnifiquement filmés.
Impossible de s'ennuyer tant les récits sont variés : tantôt poignants, tantôt touchants. Cette réussite tient en partie à la grande diversité sociale des personnes interrogées : cadres, patrons, ouvriers agricoles, patient d’hôpital psychiatrique... En effet la multitude des discours et des points de vues sur la guerre et sur le quotidien de soldat offrent au spectateur un grand nombre d'horizons, lui permettant ainsi de se construire une idée relativement juste de ce que fût être un appelé (ou rappelé) en Algérie.
Mais la portée du film ne se limite pas à cela car par ce biais, il donne des informations précises sur la guerre d'Algérie dans son ensemble : sa chronologie, ses raisons, ses protagonistes...
Dans une interview disponible sur le DVD dont je disposais, Bertrand Tavernier explique que le reproche qui peut être fait au film est qu'il ne donne le point de vue que d'un seul des deux camps; mais que c'est aussi aux algériens de produire le pendant de ce type de documentaire côté "fellaga". D’ailleurs ces derniers sont évoqués tout au long du film et constituent un ennemi invisible qui tient un rôle psychologique de premier ordre dans les récits des anciens soldats.

Ce docu est presque un pilier pour l'histoire contemporaine française et il permet de réaliser à quel point, encore aujourd'hui, le sujet est méconnu des français eux-mêmes (du moins les jeunes générations). La faute aux programmes scolaire ? Sans doute en partie. Ayant fait ma scolarité (collège et lycée) dans les années 2000 j'ai peu de souvenirs de cours d'histoires abordant la guerre d'Algérie. Pourtant ce film sorti en 1992 (soit 30 ans après la fin du conflit) faisait déjà ce constat. (D'ailleurs y-a-t-il eu d'autres documentaires de cette envergure depuis ?)

A voir donc, simplement pour savoir un peu d'où l'on vient.
Sparfell
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ligne de front - Documentaires de guerre et Bibliothèque documentaire.

Créée

le 27 févr. 2014

Critique lue 916 fois

6 j'aime

3 commentaires

Sparfell

Écrit par

Critique lue 916 fois

6
3

D'autres avis sur La Guerre sans nom

La Guerre sans nom
Sparfell
10

Critique de La Guerre sans nom par Sparfell

Les documentaires sur la guerre d'Algérie ne courent pas les rues (de moins à ma connaissance mais je serais heureux de me tromper) mais "La guerre sans nom" comble magistralement ce vide. Près de 4...

le 27 févr. 2014

6 j'aime

3

La Guerre sans nom
zardoz6704
9

Dépasser le silence.

Quel incroyable film. Je le regarde dans la foulée de la lecture de Papa, qu'as-tu fait en Algérie ? de Raphaëlle Branche, et il est profondément émouvant. Il s'agit de témoignages d'appelés de la...

le 14 juil. 2023

1 j'aime

La Guerre sans nom
YasujiroRilke
2

Critique de La Guerre sans nom par Yasujirô Rilke

Face au présent, Tavernier et Rotman éveillent le souvenir au risque de froisser les sensibilités des témoins. Or il n’est jamais question de sensiblerie ou d’émotivité, la résurgence du passé n’est...

le 14 avr. 2020

Du même critique

La Couleur de l'argent
Sparfell
6

Oui. En trois bandes.

The color of Money n'est peut être pas un "grand" film de Scorsese mais il mérite le détour pour diverses choses. La première : le sujet finement détourné. Scorsese devait en fait réaliser la suite...

le 29 mars 2013

17 j'aime

Grand Central
Sparfell
6

De bonnes raisons de se déplacer

Rebecca Zlotowski tenait à le préciser à l'issue de la séance (j'ai eu la chance d'assister à une avant-première en présence de la réalisatrice et de Tahar Rahim), Grand Central est une histoire...

le 22 août 2013

11 j'aime

1

Fargo
Sparfell
8

Happy Liberalisme

Ha le rêve (libéral) américain ! Je n'avais encore jamais vu un film qui le déconstruisait aussi bien et avec une si fine touche d'ironie bien propre aux frères Coen. Tout y est : le cadre dans la...

le 12 nov. 2012

10 j'aime

1