Avant de parler de ce documentaire de plus de 4h, il convient de resituer le contexte historique lors de sa sortie. Tourné pour sa majorité en 1969, le film devait initialement être adressé à l'ORTF afin d'être diffusé à la télévision. Néanmoins, des histoires de prix (selon Simone Veil) ou de censure (selon Marcel Ophuls, le réalisateur) vont empêcher cette issue, le documentaire ne sortant finalement qu'en salle. Il ne sera diffusé à la télévision qu'une dizaine d'années plus tard.
A l'époque où il est tourné, la France baigne encore dans la croyance que "Toute la France était résistante". Vision optimiste, et même propagandiste, c'est même ce qui est enseigné dans les écoles. Cela est d'ailleurs évoqué dans le documentaire ("On choisit de ne montrer que le bon côté"), qui va finalement être un des premiers à contredire le mythe d'une France unie contre l'occupant, l'agresseur nazi.


Le documentaire se sépare en deux parties, "L'Effondrement" et "Le Choix". Centré sur la ville de Clermont-Ferrand, il se déplace cependant plus généralement dans l'Auvergne, et un peu à Paris. Pendant 4h, la narration est quasi-inexistante. La place est laissée aux témoignages et aux images d'archives. Le point fort du documentaire réside dans l'honnêteté dont il fait montre. Non, la France n'était pas entièrement résistante. Non, les résistants n'étaient pas tous des héros.


Les témoignages se suivent, et tous laissent place à un éventail de valeurs aussi divers qu'étonnant. Lâcheté, ressentiment, vengeance, intégrité, remords, souffrance... Les témoins viennent de tous horizons : hommes politiques, soldats, résistants, habitants. Mais la parole est donnée à tous. Ancien soldat nazi - Français et Allemand -, communiste, monarchiste, pétainiste...
La succession de témoignages nous montre que la généralisation n'est jamais juste. Que chaque individu a des raisons qui peuvent le pousser à aller dans telle ou telle direction.


Quoiqu'ils disent, d'où qu'ils viennent, Marcel Ophuls ne juge pas ses interlocuteurs. Il les écoute. Et c'est là la meilleure façon de recueillir leur histoire. Pour comprendre notre Histoire.

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