Vendredi dernier, comme quasiment tous les jours, je parcours les offres DVD sur Amazon et la Fnac. Sur la Fnac je suis attiré par une offre 3DVD pour 20euros. Bon, je trouve ça chère 6euros pour un dvd mais bon voyons ce qui est proposé… et là je tombe directement sur des dvd de Kurosawa ! Ni une ni deux je me jette sur mon ordinateur (c’est une image bien sûr) et je commande dans un instant de furie Le château de l’araignée, la forteresse cachée et bien sûr Barberousse !
Une fois mes dvd arrivés je commence leur visionnage.

Deuxième étape de mon parcours des œuvres du réalisateur japonais Akira Kurosawa, véritable figure tutélaire du cinéma au pays du Soleil levant.
J’avais déjà eu la chance de voir il y a quelques temps le sublime « Les Sept samouraïs » (lien critique) et je m’attaque aujourd’hui au « Château de l’araignée ».

Japon, XVIe siècle, en plein conflit féodal, deux guerriers, Washizu et Miki obtiennent la victoire pour leur suzerain, en chemin pour se rendre chez celui-ci ils se perdent dans la forêt de l’araignée et tombent sur un esprit qui leur révèle leur avenir. Une grande ascension pour chacun, et au bout la place du chef pour Washizu, et le fait que le fils de Miki prendra lui la place de Washizu…


Entre ascension et chute
Cette œuvre cinématographique ne tient pas sa qualité du développement de son scénario, que l’on anticipe forcément dès le départ (cela finit mal comme on s’y attend), mais de sa mise en scène et de ses messages.
Le film nous amène à nous poser individuellement de nombreuses questions. Si elle existe, peut-on lutter contre la destinée ? Vaudrait-il mieux connaitre son futur ou rester dans la découverte et l’ignorance ? Le chemin de notre vie est-il déjà tracé ou l’homme peut faire usage d’un libre arbitre ? Washizu a fait ce qu’il a fait car il devait le faire ou parce qu’il a été influencé par la vision de son futur ? Autant de question laissées à chacun.
Kurosawa met aussi en lumière l’ambition de l’Homme, avec un grand H car on voit que la femme de Washizu est elle aussi très ambitieuse, voire plus.
L’ambition, un maux de l’Homme qui le ronge entièrement, qui met à mal tous les liens pouvant relier les individus entre eux, comme Washizu qui met de côté son amitié avec Miki, car soit disant le destin doit les séparer. L’ambition qui elle aussi remet en cause les liens de hiérarchie, Washizu qui veut s’élever au-dessus de son rang et ne recule devant rien, pas même le meurtre de son supérieur.
La conscience, l’âme de l’Homme est aussi abordée, notamment la division interne devant un choix difficile. Pour moi la femme de Washizu montre bien cela, comme si eux deux ne formaient en réalité qu’un seul être. Comme dans McBeth de Shakespeare, c’est la femme de Washizu qui le pousse à l’irréparable. C’est elle qui pousse sans cesse son mari à franchir le pas, alors que lui est plutôt réticent (en apparence). Elle représente une sorte d’esprit du malin, le mauvais côté de sa conscience qui prend peu à peu le pas dans son esprit.
Pour finir l’analyse rapide de l’œuvre, comme dans MacBeth, Kurosawa montre que le pouvoir n’a rien de sacré et qu’il dépend des passions des hommes.

Un film un acteur
Avant de terminer je dois tout de même parler des acteurs et surtout m’arrêter sur la prestation de Toshiro Mifune qui est véritablement incroyable…encore une fois devrais-je dire ? Déjà que dans les Sept Samouraïs je l’avais beaucoup apprécié, bien qu’on pouvait reprocher dans un certain sens un « jeu sur joué », mais ici dans le rôle central il est véritablement magnifique. En voilà un acteur qui a une gueule comme on dit ! Avec ses traits du visage très marqués, ces sourcils fournis et ce regard, ce regard ! Et puis en VO, quelle classe comme voix !
Je peux dire qu’il est devenu un de mes acteurs favoris.
Je suis un peu méchant avec mon sous-titre, un autre personnage a retenu mon attention, la femme de Washizu qui est vraiment très intéressante dans le film, avec son air stoïque, calme, pragmatique, fourbe.

Réalisé dans les années 50 ? Et bien dit donc…
Pour ce qui est de la réalisation, bien qui dit Kurosawa dit grande qualité. On pourrait bien sûr relever le fait que comme la majorité des vieux films l’ancienneté ce voit, mais quand ça ne gêne en rien cela prouve la grandeur de la réalisation, qui je le rappelle date de plus de 50 années !
Comme d’habitude c’est toujours un plaisir de retrouver des costumes d’époque pour plonger dans ce Japon que l’on ne connait pas très bien dans notre contrée occidentale.
Je suis désolé mais je vais devoir le dire une énième fois, J’ADORE les films en noirs et blancs ! Mais avec ceux de Kurosawa je suis encore plus aux anges. Dans la version dvd en effet on voit clairement l’ancienneté du film, avec cet aspect vieillot de la pellicule clairement caractéristique (difficile à expliquer de façon précise…).


Le château de l’araignée ? Une véritable tragédie antique, un film Shakespearien, le tout mâtiné de culture japonaise. C’est magnifique, c’est poétique, c’est envoutant. Du grand art, tout simplement.



PS : Je ne suis pas un spécialiste de Shakespeare mais j’ai acheté il y a pas mal de temps un magazine d’histoire sur celui-ci, comme quoi tout sert un jour !
PS2 : Je n’ai pas encore regardé les bonus du DVD mais j’en rajouterai un mot quand cela sera fait

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