Si la musique d'ouverture de Yojimbo laissait présager de l'aspect comique qui allait suivre, celle du Château de l'araignée est sans appel : Kurosawa instaure immédiatement une ambiance sombre et pessimiste (tragédie shakespearienne oblige) tout en exposant dès le départ les conséquences de l'histoire qui va se dérouler.
Cette atmosphère inquiétante prépare le spectateur à l'arrivée du fantastique dans le récit, qui correspond au moment où Washizu/Macbeth rencontre un esprit dans la forêt de l'araignée. C'est la première fois que je vois le réalisateur s'attaquer à ce registre. Bien qu'il emploie que des effets usés, comme le brouillard investissant peu à peu la clairière ou les croassements irréguliers des oiseaux, la séquence fonctionne grâce aux enjeux narratifs imposants mais aussi grâce à son rythme. Kurosawa a eu la bonne idée d'étirer les scènes (la comptine de l'esprit puis la fuite à travers la forêt et la brume) jusqu'à les rendre étrangères à toute notion de réel, pour un résultat des plus saisissants.
Ce rythme particulier se retrouve à d'autres moments dans le film (la longue scène du repas par exemple), servant cette fois-ci à suggérer la folie dans laquelle tombe progressivement le personnage principal. Par ailleurs, il est intéressant de voir que Lady Macbeth, qui pousse son mari à commettre un crime, est représentée comme un être vil et inhumain. Souvent séparée de son homme par le montage, elle reste parfois tapie dans le hors-champ pour dicter ses ordres, ce qui la rapproche habilement de la voix intérieure de Macbeth, rongé par le doute, puis par le remord. Le film prolonge donc les codes du fantastique pour rendre les conséquences des actes des époux encore plus dramatiques.
Sans surprise, Akira Kurosawa s'est facilement approprié l’œuvre de Shakespeare et orchestre parfaitement la descente aux enfers du personnage principal. Le réalisateur s'est même permis de modifier légèrement la scène finale, concluant cette histoire avec une ironie mordante.